Il était un double opposant : au pouvoir en Russie, et à ce qu’il refusait d’appeler « l’opération spéciale en Ukraine ». Evguéni Roïzman a été arrêté ce mercredi 24 août au matin. Celui qui était la dernière grande voix de l’opposition est poursuivi pour « action publique visant à discréditer les forces armées ».
Il était un double opposant : au pouvoir en Russie, et à ce qu’il refusait d’appeler « l’opération spéciale en Ukraine ». Evguéni Roïzman a été arrêté ce mercredi 24 août au matin. Celui qui était la dernière grande voix de l’opposition est poursuivi pour « action publique visant à discréditer les forces armées ».
De notre correspondante en Russie
La vidéo a été rendue publique ce mercredi matin sur la chaîne Telegram d’un média russe : des hommes en tenue kaki, gilet pare-balles, cagoules noires, au pas de course dans les escaliers d’un immeuble au petit matin, qui tambourinent ensuite à la porte marron d’un appartement. Apparaît alors, cheveux ébouriffés, torse nu et en caleçon, l’homme qu’ils sont venus arrêter. Une scène classique en Russie pour les opposants.
Sauf que celui-ci est Evguéni Roïzman, à la stature nationale et au parcours émaillé de périodes troubles. Homme d’affaires dans les années 1990 dans la ville d’Ekaterinbourg, alors considérée comme une place forte de la mafia, cet amateur de littérature et de François Rabelais a aussi fait deux années de prison dans sa jeunesse. En 1999, ce passionné d’icônes anciennes avait lancé une association de lutte contre la drogue aux méthodes controversées : elle avait été accusée de violenter les toxicomanes.
Grand, sportif, député de 2003 à 2007, puis maire d’Ekaterinbourg de 2013 à 2018 – une fonction essentiellement représentative mais dont il avait démissionné quand l’élection au suffrage direct a été supprimée –, Evguéni Roïzman affirmait n’avoir plus d’ambitions politiques.
Un compte Twitter de « l’anti-propagande courte et brutale », selon Roïzman
Mais à 59 ans, il continuait d’être actif dans le monde associatif et de s’exprimer, tout particulièrement sur les réseaux sociaux. Sur son compte Twitter – banni en Russie mais encore accessible via VPN –, il tançait le pouvoir, s’opposait de manière virulente à ce qu’il refusait d’appeler « l’opération spéciale en Ukraine », et parfois incendiait de manière lapidaire ceux qui en faisaient la promotion ou les médias d’État russes.
Ce mercredi matin, l’opposant a affirmé qu’il était poursuivi pour une phrase « qu’il avait dite partout, mais qu’il allait continuer à répéter » sur ce sujet. Cette phrase, il l’a à nouveau prononcée ce matin de la fenêtre de son appartement face à la presse, qui s’était rassemblée au pied de son immeuble. Les images de la scène ont été diffusées en Russie, mais les fameux mots-là ont tous été rendus inaudibles : « Je les prononcerai jusqu’au jugement dernier », avait lancé Evguéni Roïzman.
Risque de dix ans de prison
Cela après avoir déjà été condamné à trois amendes de 50 000 roubles (environ 800 euros) pour « discrédit des forces armées », et une amende de 85 000 roubles (environ 1 500 euros) pour « la publication en ligne d’informations portant atteinte à la dignité humaine et à la moralité publique, et affichant un manque de respect évident pour la société, l’État ou les organes exerçant le pouvoir de l’État en Russie ».
Lucide, certain qu’il allait lui aussi être poursuivi par la justice, Evguéni Roïzman avait publié un commentaire le 13 juillet dernier sur Twitter, le jour où une autre grande figure de l’opposition, Ilia Iachine, a été placée en détention : « Je suis le dernier en liberté ».
Evguéni Roïzman risque désormais dix ans de prison.
RFI Via CONGO PUB Online