Les chefs de la diplomatie des États-Unis et la Russie se sont réunis ce mardi 18 février à Riyad en Arabie saoudite, une première depuis l’invasion russe de l’Ukraine en 2022. Les deux délégations sont convenues d’établir un « mécanisme de consultation » pour régler leurs contentieux et vont nommer des négociateurs pour le règlement de la guerre en Ukraine.
Cette rencontre de Riyad a duré environ quatre heures et demie. C’est le premier tête-à-tête entre Russes et Américains à ce niveau depuis le début de la guerre en Ukraine. Marco Rubio s’est dit à l’issue des pourparlers « convaincu » que la Russie voudrait s’engager dans un « processus sérieux » pour mettre fin à la guerre. Le secrétaire d’État américain a affirmé que les Européens devraient également prendre part aux discussions et qu’il fallait qu’un accord sur l’Ukraine soit « acceptable » pour tous.
Les chefs de la diplomatie américaine Marco Rubio et russe Sergueï Lavrov ont annoncé à l’issue de leur rencontre à Riyad avoir décidé de « désigner des équipes de haut niveau pour commencer à travailler sur une issue du conflit en Ukraine dès que possible, de manière durable, pérenne et acceptable pour l’ensemble des parties », a indiqué le département d’État dans un communiqué.
« Nous nous sommes entendus »
« Nous avons discuté, exposé nos approches de principe et convenu que des équipes distinctes de négociateurs sur ce sujet prendraient contact en temps voulu », a confirmé le conseiller diplomatique du Kremlin Iouri Ouchakov. « Les Américains doivent désigner leurs représentants, nous désignerons les nôtres, et ensuite, probablement, le travail commencera », a-t-il ajouté.
« Il est encore difficile de dire si (les positions russes et américaines) se sont rapprochées, mais c’était le sujet », a encore déclaré à la télévision russe depuis Riyad M. Ouchakov jugeant prématuré de parler « de dates concrètes pour une rencontre des deux dirigeants ». « C’était une conversation très sérieuse sur tous les sujets que nous voulions aborder », a ajouté le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, précisant que la rencontre avait duré quatre heures et demie.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a dit être persuadé que les États-Unis avaient commencé à « mieux comprendre » la position de Moscou, lors d’une conférence de presse, jugeant leur conversation « utile ». « Nous ne nous sommes pas contentés de nous écouter, nous nous sommes entendus », a-t-il ajouté. Le ministre russe des Affaires étrangères a aussi affirmé « qu’il y a eu un vif intérêt pour la levée des obstacles artificiels au développement d’une coopération économique mutuellement bénéfique » entre la Russie et les États-Unis, une référence aux sanctions économiques visant Moscou.
« Mécanisme de consultation »
Moscou et Washington et sont également entendus pour mettre sur pied un « mécanisme de consultation » et « poser les bases d’une future coopération sur des enjeux géopolitiques d’intérêt commun et sur les opportunités économiques et d’investissement historiques qui émergeront d’une issue réussie au conflit en Ukraine », a par ailleurs déclaré le département d’État américain.
La rencontre de ce mardi marquait une première au niveau des chefs de la diplomatie américaine et russe dans un tel format depuis l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022. Elle intervenait après l’appel téléphonique la semaine dernière entre Donald Trump et Vladimir Poutine, qui a fait voler en éclats l’union occidentale et la stratégie d’isolement visant le président russe.
En visite en Turquie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a critiqué la rencontre russo-américaine. « Des négociations sont en cours maintenant (…) entre des représentants russes et américains. Encore une fois, sur l’Ukraine et sans l’Ukraine », a-t-il dénoncé. Par ailleurs, le président ukrainien a annoncé reporter son voyage en Arabie Saoudite prévu mercredi.
Moscou accepte une adhésion de l’Ukraine à l’UE, mais pas à l’Otan
Plus tôt dans la journée, le Kremlin a affiché de nouvelles lignes de négociations. Moscou dit «oui » à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, « non » en revanche à son intégration dans l’Otan, qui constitue une ligne rouge absolue pour le Kremlin. Vladimir Poutine se dit même prêt aujourd’hui à négocier avec Volodymyr Zelensky.
Il n’y aura pas de paix en Ukraine possible, sans discuter largement de sécurité en Europe, a ajouté le Kremlin il y a quelques minutes. « Un règlement à long terme, un règlement viable est impossible sans un examen global des questions de sécurité sur le continent », a indiqué le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, lors de son briefing quotidien. La Russie réclame de longue date un retrait des forces de l’Otan d’Europe orientale, car elle considère l’Alliance comme une menace existentielle. Elle avait notamment utilisé cet argument pour justifier son invasion de l’Ukraine en 2022.
De son côté, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a dit sur X que l’UE voulait « faire équipe » avec les États-Unis pour une paix « juste et durable » en Ukraine, après une rencontre avec l’envoyé spécial du président américain, Keith Kellogg.
La Russie joue la carte de l’économie
Les discussions se sont tenues sans Kiev et sans les Européens pour l’instant, ce qui réjouit la Russie. La délégation russe affiche son optimisme, et a même dit ce mardi 18 février, dans la matinée, espérer des « progrès » d’ici « deux ou trois mois » sur le volet économique.
Ce sont les mots du patron du fonds chargé des investissements étrangers en Russie : Kirill Dmitriev, qui a fait partie de la délégation présente à Ryad. Il évoque donc à demi-mots un éventuel assouplissement des sanctions américaines contre la Russie. Et pour convaincre Washington il vise le portefeuille. « Les entreprises américaines ont perdu 300 milliards de dollars en quittant la Russie », disait-il ce mardi matin. Un chiffre largement surévalué, mais l’argument peut parler à Donald Trump qui est toujours dans une logique transactionnelle.
Il faut dire que Kirill Dmitriev connaît bien les États-Unis : il a étudié là-bas et a même travaillé pour la banque Goldman Sachs. Après son retour en Russie, il a aussi aidé Moscou à nouer des contacts avec Donald Trump lors de son premier mandat.
Ce matin, le russe saluait ainsi l’« efficacité » de l’équipe de Donald Trump pour résoudre les problèmes. Derrière ces compliments, un assouplissement des sanctions favoriserait surtout la Russie. Car même si Moscou les contourne en partie, elles s’ajoutent aux dépenses énormes liées à la guerre. L’inflation est à 10% et les perspectives de croissance pour cette année sont moroses.
RFI via CONGO PUB Online