L’ancien président Joseph Kabila, au pouvoir de 2001 à 2019, est revenu sur le devant de la scène politique congolaise à l’occasion d’une rencontre avec l’ex-président sud-africain Thabo Mbeki. Ses déclarations, teintées de critiques à l’égard de l’actuel chef de l’État, Félix Tshisekedi, ont suscité des réactions vives au sein de la classe politique et de la population congolaise, révélant un climat de polarisation et de méfiance persistante.
Kabila critique Tshisekedi et appelle à l’autocritique

Interrogé sur son implication dans les défis actuels de la RDC, Joseph Kabila a adopté une posture à la fois critique et introspective. « Je crois que le problème au Congo est le président Félix, la solution est le président Félix », a-t-il déclaré, imputant à l’actuel dirigeant la responsabilité des crises qui secouent le pays. Cependant, il a également appelé les Congolais à cesser de rejeter la faute sur les autres : « À un moment donné, nous devons nous demander si ce n’est pas nous le problème ou notre problème et voir comment nous pouvons le résoudre en tant que Congolais. »
Ces propos, bien que semblant prôner l’unité, sont perçus par certains comme une tentative de déplacer la responsabilité des échecs passés sur l’administration Tshisekedi, tout en se positionnant en figure réfléchie et constructive.
Un retour au pouvoir en vue ?
Sans évoquer explicitement un retour au pouvoir, Kabila a laissé entendre qu’il restait engagé dans la résolution des crises congolaises. « Nous sommes prêts à travailler et nous continuons à travailler pour la paix ; c’était notre attitude il y a 22 ans (…) notre attitude aujourd’hui, étant beaucoup plus informés, est définitivement de nous lever à nouveau et d’être en mouvement pour marcher pour la paix dans toutes les capacités que nous pouvons », a-t-il affirmé. Ces déclarations alimentent les spéculations sur un éventuel retour politique de l’ancien président, bien que celui-ci n’ait pas encore officialisé ses intentions.
Accusations de complicité avec le M23 : Kabila se défend

Joseph Kabila a également répondu aux accusations le liant au groupe armé M23, actif dans l’est du pays. « La situation n’aurait pas pu être ce qu’elle est, elle aurait pu être très différente, donc ce ne sont que des bassesses », a-t-il déclaré, défiant Tshisekedi de fournir des preuves de ces allégations. Ces accusations, récurrentes dans le discours politique congolais, reflètent les tensions persistantes autour de la crise sécuritaire dans les provinces orientales de la RDC, où des groupes armés continuent de semer la violence.
Réactions contrastées des Congolais
Les déclarations de Kabila ont provoqué des réactions contrastées au sein de la population congolaise. Pour certains, l’ancien président incarne une ère de stagnation et de compromission. « Il a passé 18 ans sans évoquer le Congo sur la scène internationale, alors que ce pays lui a tout donné, y compris une femme. Malgré cela, il choisit de l’abandonner pour aller ailleurs. Après 18 ans de blocus, il a fallu seulement 5 ans à Tshisekedi pour sortir la RDC de l’emprise », a déclaré un internaute.
D’autres l’accusent d’avoir « vendu la souveraineté » du pays aux intérêts étrangers, notamment rwandais. « Il a vendu notre souveraineté aux Rwandais, maintenant ils nous colonisent sur notre propre sol. Il doit cesser d’utiliser ses milliards pour faire du mal au pays qui les lui avait donné », a-t-on pu lire sur les réseaux sociaux.
En revanche, certains soutiennent que Kabila reste une figure politique incontournable, capable de jouer un rôle dans la stabilisation du pays. « Tout le monde parle du Congo, sauf les Congolais. Si vous allez à Nairobi, vous voyez que les gens parlent du Congo. Si vous allez en Afrique du Sud, les gens parlent du Congo, mais les Congolais eux-mêmes semblent ignorés », a-t-il déploré, appelant à une plus grande implication des Congolais dans la résolution de leurs propres problèmes.
Un contexte politique explosif
Ces échanges interviennent dans un contexte politique marqué par des tensions croissantes entre partisans de Kabila et de Tshisekedi. Depuis son accession au pouvoir en 2019, Tshisekedi a progressivement pris ses distances avec l’ancien régime, accusant Kabila et son entourage de maintenir un « État parallèle » et de comploter contre son administration. De son côté, Kabila et ses alliés dénoncent une gestion chaotique du pays et une instrumentalisation des institutions à des fins politiques.
La situation dans l’est de la RDC, où le groupe armé M23 continue de menacer la stabilité régionale, ajoute une dimension géopolitique complexe à ces tensions. Les accusations de complicité entre Kabila et le M23, bien que non prouvées, alimentent les divisions et entretiennent un climat de méfiance.
Quel avenir pour la RDC ?
Alors que Joseph Kabila semble garder une influence certaine sur la scène politique congolaise, ses déclarations récentes montrent qu’il reste un acteur clé dans les débats sur l’avenir du pays. Cependant, les réactions mitigées qu’elles ont suscitées soulignent la nécessité d’un dialogue national inclusif pour surmonter les divisions et répondre aux attentes d’une population fatiguée par des décennies de crises.
Dans un pays où les défis sécuritaires, économiques et sociaux restent immenses, la question de l’unité nationale et de la responsabilité politique demeure plus que jamais d’actualité. Les Congolais, quant à eux, attendent des actions concrètes plutôt que des discours, espérant enfin voir leur pays tourner la page des conflits et des divisions.
Par Frent Mavungu, correspondant à Bruxelles
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