A la faveur de la loi n°22/022 du 17 juin 2022 portant habilitation[1] du Gouvernement, le Président de la République a procédé à la signature de l’Ordonnance Loi n°22/030 du 08 septembre 2022 relative à la promotion de l’entrepreneuriat et des startups.
Pour donner suite à la signature de ce texte de loi salutaire pour l’écosystème entrepreneurial en RDC, j’ai jugé nécessaire de faire un bref résumé des mesures phares de la nouvelle législation en matière de l’entrepreneuriat en RDC.
En effet, la « Startup Act »- appellation générique consacrée pour qualifier un ou plusieurs textes de loi bénéficiant aux startups- est une réponse du Gouvernement à la nécessité d’adapter et d’harmoniser le cadre légal de la RDC aux enjeux de la promotion de l’entrepreneuriat et de la valorisation des innovations.
Le résultat d’un long processus
Il y a lieu de noter que l’Ordonnance Loi n°22/030 du 08 septembre 2022 relative à la promotion de l’entrepreneuriat et des startups est le fruit d’un long processus.
On se rappellera qu’en plus de différentes initiatives portées par le Ministère de l’Entrepreneuriat et PME, notamment à travers le Programme National de Développement de l’Entrepreneuriat Congolais (PRONADEC), c’est avec le pré hackathon du Lubumbashi Digital Story en novembre 2019 et le Kinshasa Policy Hackathon du 07 février 2020 que le « Go » pour la mise en place d’une Start up Act en RDC avait été donné.
S’en est suivi, en aout 2020, un atelier national de consolidation du Startup Act avant la validation, au mois de Juin 2021, de deux avant projets de loi relatifs à la promotion de l’entrepreneuriat et des startups et sur l’artisanat.
Enfin, le Conseil des ministres tenu le vendredi 11 mars 2022 a adopté le texte avant sa signature par le Président de la République le 08 Septembre dernier.
Quel est le contenu de l’Ordonnance Loi n°22/030 du 08 septembre 2022 relative à la promotion de l’entrepreneuriat et des startups (la RDC Startup Act) ?
La Startup Act est constituée de 122 articles repartis en IV chapitres.
On y trouve plusieurs dispositions majeures, notamment :
Des définitions plus claires, notamment les notions de PME, Startups, ou encore Incubateurs;
La mise en place d’un cadre solide d’accompagnement institutionnel à tous les niveaux de l’Etat;
La clarification du statut d’« entreprenant » et la prise en considération de l’entrepreneuriat social;
L’instauration d’une Journée Nationale de l’entrepreneuriat (JNE),
La mise en place de plusieurs avantages et facilités en faveurs des PME, startups et structures d’accompagnement (en matière de fiscalité, accès aux marchés et accès aux financements) ;
La mise en place d’un système de labélisation des Startups;
Un accompagnement des PME et startups en termes de capacitation, recherche d’opportunités et de fiscalité;
L’introduction d’un droit au congé pour création d’entreprise;
L’institution de l’infraction de prise illégale d’intérêt; etc.
Pour ma part, après une première lecture de ce texte, je retiens principalement 5 points que je considère comme novateurs:
Des définitions « claires » des différents concepts
Le premier mérite de cette loi est de mettre un terme à la multiplicité des définitions qui existaient pour le seul concept de « PME ».
En effet, cette loi donne désormais une définition unique qui s’imposera à tous.
Ainsi, on entend par PME : « toute unité économique dont la propriété revient à une ou plusieurs personnes physiques ou morales et qui présente les caractéristiques suivantes:
Nombre d’emplois permanents: de 1 à 200 personnes;
Valeur des Investissements nécessaires mis en place pour les activités de l’entreprise: inférieure ou égale à l’équivalent en FC de 600.000 USD
Mode de gestion ouvert à la décentralisation ».
L’Ordonnance loi précise également les différents critères de distinction entre micros, petites et moyennes entreprises ( Lire Article 12 point 38).
Aussi, le terme « Startup » a enfin une définition légale en RDC.
Il s’agit de toute entreprise innovante nouvellement créée, n’ayant pas plus de 7 années d’acticités, dotée d’un très fort potentiel de croissance économique, et qui a besoin d’importants fonds en investissement pour la réalisation de son activité et de duplication de son modèle commercial, à laquelle est attribuée le label « startup ». ( Article 12 point 42 de l’Ordonnance-Loi)
La Labélisation des startups
Ne pas startup qui veut. Pour être considérée comme startup, il faut aux termes de l’Article 85 de l’Ordonnance-Loi, « remplir les conditions cumulatives ci-après:
Etre créée et enregistrée en RDC,
Avoir une existence juridique inférieure ou égale à 7 ans ans, à compter de la date d’enregistrement ;
Avoir un effectif de travailleurs inférieur à cinquante personnes, un total bilan et un chiffre d’affaires annuel à l’équivalent d’un milliard de francs congolais;
Avoir au moins 2/3 du capital social détenu par des personnes physiques de nationalité congolaise;
Avoir un modèle économique qui comporte une forte dimension innovante et créative, notamment dans le domaine technologique ou des NTIC;
Entreprendre une activité qui présente un fort potentiel de croissance ».
Cette labélisation, qui est octroyée par un Comité National de Labélisation, donne accès à plusieurs avantages, notamment (Voir Article 95):
l’accès prioritaire au Fonds de Garantie de l’Entrepreneuriat au Congo ( FOGEC) ou tout autre fonds mis en place par les pouvoirs publics;
l’accès, à cout réduit de moitié, au guichet unique de création d’entreprises, pour toutes formalités d’enregistrement, sur présentation d’un certificat de pré-labélisation;
l’accès prioritaire aux marchés publics de l’Etat et des ETD, ainsi qu’à la sous-traitance dans le secteur privé;
le bénéfice des mesures incitatives prévues par le Code des Investissements et d’un régime fiscal avantageux pour les PME, prévoyant notamment des allègements ou exonérations en rapport avec l’IBP et l’impôt mobilier;
une exonération d’impôts durant toute la période de validité de la labélisation sur les montants investis dans une startup, par tout investisseur, soit à titre de dons, soit à titre de prise de participation, etc.
Avantages fiscaux en faveur des Grands Groupes qui octroient des marchés aux startups
L’article 100 de l’Ordonnance Loi dispose: « Les Grands Groupes Nationaux ou Etrangers, ainsi que les grandes entreprises qui, en application de la loi congolaise sur la sous-traitance dans le secteur privé, sous-traitent à une startup labélisée au minimum 40% de leurs services peuvent solliciter une exonération partielle allant jusqu’à30% de l’impôt sur les bénéfices.
Les allègements fiscaux peuvent aller jusqu’à 50% au profit des startups tenues par les femmes, les jeunes de 18 à 35 ans ou les personnes vivant avec handicap ».
Le congé pour création d’entreprise
A l’instar du droit français, il est introduit un droit au congé pour création d’entreprise.
« Tout promoteur d’une startup, agent public ou salarié d’une entreprise privée, a droit à un congé pour création d’une startup labélisée. Ce Congé peut être accordé pour une durée de douze mois, renouvelable une fois ». ( Article 96).
« Aucun employeur, du secteur public comme privé, ne peut s’opposer au départ momentané d’un travailleur postulant pour un congé aux fins de création d’une startup ». ( Article 95).
L’infraction de prise illégale d’intérêt
« L’agent public ou le membre du personnel d’une entreprise publique ou d’un établissement public qui, à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, prend, reçoit et conserve, directement ou indirectement, un avantage quelconque dans une entreprise ou une opération dont il a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge de la surveillance, de l’administration, de la liquidation ou du paiement, commet l’infraction de prise illégale d’intérêts »( Article 116).
Cette infraction est punie d’une amende de 100.000.000 FC. Le Juge prononce également la confiscation des avantages illégalement obtenus et des biens acquis à la suite de l’infraction, sans préjudice de la fermeture de son entreprise s’il échet.
Comme vous pouvez le constater, cette loi pro-startup est une véritable avancée pour le pays.
Nous ne pouvons qu’espérer que les mesures d’application soient prises dans les meilleurs délais et que les différentes parties prenantes s’en approprient pour un véritablement développement d’une « Startup Nation ».
[1] La loi d’habilitation tire son fondement de l’article 129 de la constitution qui dispose que le gouvernement peut pour l’exécution urgente de son programme d’action demander à l’Assemblée nationale où au Sénat l’autorisation de prendre par ordonnance loi pendant un délai limité et sur des matières déterminées les mesures qui sont normalement du domaine de la loi.