Au lendemain d’un scrutin qui s’est déroulé dans le calme, les Sénégalais attendent toujours lundi la publication des résultats officiels, alors que l’opposition et le camp présidentiel revendiquent la victoire. Dans les rues de Dakar, l’ambiance est détendue et les citoyens partagent le sentiment d’avoir assisté à un grand moment de démocratie.
À peine deux heures après la fermeture des bureaux de vote, et alors que le pays est toujours dans l’attente des résultats, des scènes de liesse populaire éclatent, dimanche 31 juillet, dans plusieurs quartiers de Dakar. À Sicap-Liberté et Grand Yoff, deux des communes d’arrondissement de Dakar, le maire de la capitale, Barthélémy Dias, candidat aux législatives de la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi, improvise une « caravane de la victoire ». Suivi par une foule qui ne cesse de grossir, il lève les bras au ciel, sourire aux lèvres. La victoire de l’opposition est nette selon l’édile, qui cite les premières tendances diffusées par les médias.
Un camion de Yewwi Askan Wi, équipé de grosses enceintes, diffuse juste derrière lui des musiques populaires reprises en chœur par les partisans de l’opposition. Un refrain revient régulièrement : « Bojo bojo yé », qu’on pourrait traduire du wolof par « Hey, les vauriens ». Pour davantage d’ambiance, un jeune homme brandit un fumigène artisanal, composé à l’aide d’un briquet et d’un insecticide.
« Depuis la fermeture des bureaux de vote, je suis de près les résultats à travers les médias. En écoutant la radio et les correspondants qui se trouvent un peu partout dans le pays, je n’ai aucun doute sur la victoire de Yewwi Askan Wi », affirme Ali, la cinquantaine, débout sur le trottoir, le poing serré en direction de Barthélémy Dias.
Le pouvoir crie aussi victoire
Tard dans la soirée, c’est une ambiance plus calme mais tout aussi triomphante qui règne au siège de Benno Bokk Yaakaar, à Mermoz, quartier résidentiel de Dakar. Me El Hadji Diouf, sulfureux avocat et membre de la coalition présidentielle, exécute quelques pas de danse, immédiatement suivi par les autres militants massés dans les tribunes du patio. Au centre, une quinzaine de caméras font face au pupitre d’où Aminata Touré, tête de liste nationale de la coalition présidentielle, doit faire sa déclaration.
Une standing ovation accompagne son entrée sur la scène. Il est 1 h du matin, la foule scande : « Mimi, Mimi, Mimi », le surnom de l’ancien Premier ministre du Sénégal.
« Nous avons gagné 30 départements. Pour rappel, le pays compte 46 départements », déclare-t-elle après les avoir détaillés. « Cela nous donne incontestablement une majorité à l’Assemblée nationale », ajoute-t-elle, sous les applaudissements des militants. Elle est rejointe sur scène par Me El Hadji Diouf et d’autres responsables de Benno Bokk Yaakaar, qui exultent après cette annonce.
Au Sénégal, où les législatives se tiennent en un seul tour, 112 sièges (dont 15 pour la diaspora) sont pourvus au scrutin de liste majoritaire dans le cadre des circonscriptions. Les 53 sièges restants sont attribués à la proportionnelle après un calcul des voix à l’échelle nationale.
Les résultats officiels provisoires du scrutin départemental sont attendus au plus tard mardi. Les résultats globaux seront eux publiés au plus tard vendredi.
Victoire de la démocratie
Lundi matin, devant le parking du stade Léopold-Sédar-Senghor à Dakar, les débats sont passionnés entre partisans du pouvoir et de l’opposition. Mohamed, sympathisant de Benno Bokk Yaakaar, et Chérif, féru de Yewwi Askan Wi, sont tous deux chauffeurs de taxi.
« Si Aminata Touré n’avait pas été sûre des résultats, elle n’aurait jamais annoncé que nous avons remporté la majorité. Pour moi, il n’y a aucun doute, le président Macky Sall aura une Assemblée acquise à sa cause pour terminer dans le calme son mandat », argumente Mohamed.
Chérif est loin d’être convaincu. « L’opposition a gagné les villes les plus importantes comme Dakar, Thiès, Saint-Louis et Ziguinchor. C’est impossible que le pouvoir obtienne la majorité. Ils ont perdu les élections. Ils devraient avoir l’honnêteté de le reconnaître », clame-t-il.
Devant un kiosque à journaux non loin de là, les Sénégalais scrutent avec intérêt la une des quotidiens. Les titres de la presse annoncent globalement des résultats favorables à l’opposition : « Sall temps pour Benno », « Ça sent le roussi » ou encore « Macky dos au mur ». D’autres quotidiens relativisent : « Benno refuse la cohabitation », « Yewwi ratisse, Benno résiste ».
Théophile Bassène, les mains dans les poches et masque chirurgical bien porté, ne sait pas sur quel quotidien porter son choix. Pour lui, c’est la démocratie sénégalaise qui se porte bien après ce scrutin. « La presse au Sénégal nous permet à chaque élection de connaître les grandes tendances quelques heures après la fermeture des bureaux de vote. Notre démocratie est exemplaire en Afrique », assure-t-il.
Un avis partagé par Ngoné, la quarantaine, qui attend à un arrêt de bus près de Nord-Foire, à Dakar. « La grande force du Sénégal, c’est que les élections sont transparentes. On ne peut pas voler les votes ici. D’après les résultats que j’ai vus hier soir à la télévision, on se dirige vers une Assemblée dans laquelle l’opposition sera largement représentée, par rapport à l’Assemblée sortante. Tout cela est à l’honneur du peuple sénégalais », confie-t-elle.
France 24 via Congo Pub Online