Le procureur général près la Cour de cassation a demandé ce mercredi à l’Assemblée nationale l’autorisation d’engager des poursuites judiciaires contre Constant Mutamba, ministre de la Justice. Ce dernier est accusé d’avoir détourné près de 19 millions de dollars dans le cadre d’un projet de construction d’une prison à Kisangani, dans la province de la Tshopo.
Un bras de fer judiciaire aux enjeux majeurs
Cette procédure intervient alors que le bras de fer entre Constant Mutamba et le procureur général Firmin Mvonde entre dans sa phase décisive. Rappelons que le ministre de la Justice avait récemment exigé des enquêtes sur l’acquisition par Mvonde d’un immeuble de luxe à Bruxelles évalué à 910 000 USD.
Le média Africa Intelligence avait révélé que le PGR Firmin Mvonde Mambu s’était porté acquéreur d’un petit immeuble composé de trois appartements haut de gamme situé avenue de la Nivéole, dans le quartier bruxellois huppé de Mutsaard. Cette information avait suscité des interrogations sur l’origine des fonds utilisés pour cet achat immobilier conséquent.
Une affaire aux montants conséquents
Dans le dossier visant Mutamba, le réquisitoire présenté devant les députés accuse le ministre d’avoir conclu un marché de gré à gré de 29 millions de dollars avec la société Zion Construction pour la construction d’une prison, sans l’approbation préalable de la Première ministre.
Plus grave encore, le magistrat financier reproche à Mutamba d’avoir ordonné le versement d’un acompte de 19,9 millions de dollars à l’entreprise contractante. Ces fonds proviendraient des indemnités versées par l’Ouganda pour dédommager les victimes de la guerre de six jours à Kisangani.
Défense et soutiens du ministre
L’entourage du ministre dénonce une manœuvre politique, évoquant un « règlement de comptes » orchestré par des magistrats qu’il aurait contrariés. « Comment parler de détournement alors que l’argent n’est jamais sorti des caisses du Trésor public ? », s’interrogent ses défenseurs.
Maître Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO, appelle à une approche équilibrée : « Si le ministre a effectivement détourné des fonds publics, il doit répondre de ses actes. Mais s’il s’agit d’accusations fabriquées dans le cadre de ce bras de fer judiciaire, alors la justice doit le protéger. »
Procédure parlementaire en cours
L’Assemblée nationale a annoncé la mise en place d’une commission spéciale chargée d’auditionner les deux parties avant de se prononcer sur la levée d’immunité du ministre. Cette décision, attendue dans les prochaines semaines, pourrait avoir des répercussions majeures sur l’équilibre des pouvoirs en RDC.
Un ministre jusqu’ici salué
Jusqu’à cette affaire, Constant Mutamba était considéré comme l’un des membres les plus actifs du gouvernement, notamment pour ses réformes visant à assainir le système judiciaire. Ce dossier met en lumière les tensions croissantes entre le ministère de la Justice et le parquet général, dans un contexte où chaque camp semble déterminé à faire la lumière sur les agissements de l’autre.
L’issue de ce duel judiciaire sans précédent pourrait redéfinir les rapports de force au sein des institutions congolaises et marquer un tournant dans la lutte contre la corruption.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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