Une vive tension secoue la province de l’Ituri suite à la récente opération de contrôle des effectifs militaires initiée par l’Inspection Générale des FARDC. Le lieutenant-général Luboya Nkashama, gouverneur militaire de la province, a exprimé avec fermeté son désaccord face aux suspensions de soldes affectant tant les militaires en activité que les familles des soldats tombés au combat.
Une opération administrative aux conséquences dramatiques
L’initiative menée par le Secrétariat Général à la Défense, bien que visant à assainir les effectifs militaires en identifiant les éléments fictifs ou inactifs, a engendré des conséquences inattendues. La mesure a particulièrement affecté les veuves de guerre, dont plusieurs ont organisé une marche de protestation à Bunia avant de se diriger vers le gouvernorat provincial pour exprimer leur désarroi.
Dans une déclaration publique largement relayée sur les réseaux sociaux, le gouverneur Luboya a dénoncé avec véhémence cette situation. « Comment pouvons-nous exiger de nos soldats qu’ils combattent avec abnégation lorsque leurs familles survivent dans la précarité la plus totale ? », s’est-il interrogé.
Une alerte sur la sécurité de la province
Le chef militaire provincial a mis en garde contre les risques majeurs que représente cette situation pour la stabilité de l’Ituri. Il a souligné plusieurs dangers immédiats : la démoralisation des troupes engagées contre les groupes armés, le risque accru de désertion, et la possible exploitation de cette crise par les rebelles du M23 pour déstabiliser davantage la région.
« L’Ituri représente aujourd’hui le dernier rempart face à l’expansion du M23 dans l’est du pays. Cette résistance n’est pas le fruit du hasard mais le résultat d’un engagement sans faille de nos forces. Cependant, comment maintenir cette position si nos soldats ne perçoivent pas leur dû ? », a-t-il insisté.
Des conditions de combat inacceptables
Le gouverneur a révélé des informations alarmantes concernant les conditions matérielles des militaires engagés sur le terrain. Les combattants en première ligne ne bénéficieraient que d’une prime de combat dérisoire de 32.000 francs congolais (environ 12 dollars américains), une somme totalement inadaptée aux risques encourus.
« Sommes-nous en train de sciemment affaiblir nos propres défenses ? Voulons-nous reproduire les erreurs qui ont conduit à la chute d’autres villes de l’Est ? », s’est indigné le lieutenant-général, faisant référence aux récentes pertes territoriales dans la région.
Un appel solennel aux autorités
Face à cette situation critique, le gouverneur militaire a lancé un appel urgent aux instances supérieures, réclamant plusieurs mesures immédiates : la reprise sans délai des versements des soldes, une revalorisation significative des primes de combat, et la mise en place d’un mécanisme transparent de contrôle des flux financiers.
« Un commandant qui ne défend pas ses hommes est un commandant qui prépare son propre échec », a-t-il déclaré, rappelant que plusieurs officiers ayant négligé le bien-être de leurs troupes ont ultérieurement fait face à des sanctions sévères.
L’Ituri, dernier bastion de résistance ?
Alors que la rébellion du M23 tente d’instrumentaliser cette crise à des fins de propagande, la ferme position du gouverneur Luboya soulève une question fondamentale : jusqu’à quand la province pourra-t-elle résister sans un soutien matériel adéquat à ses forces de défense ?
La réaction des autorités centrales face à cette mise en garde constitue désormais un enjeu crucial pour la sécurité de toute la région orientale du pays.
Par José Lumbala, correspondant à Bunia
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