L’ascension politique du président Félix Tshisekedi, souvent sous-estimée à ses débuts, révèle aujourd’hui une trajectoire marquée par un retournement spectaculaire des rapports de force en République Démocratique du Congo. Retour sur une métamorphose politique qui a surpris jusqu’aux plus sceptiques.
Des débuts difficiles
À son arrivée au pouvoir en 2019, nombreux étaient ceux qui voyaient en Tshisekedi un président affaibli, qualifié de « pantin » par ses détracteurs. Les provocations publiques furent nombreuses : Tunda wa kasende, alors ministre de la Justice, déclarait « Ye meyi m’a dit d’être calme », tandis qu’Emmanuel Shadary lançait « On ne peut pas nous intimider ». Le ministre de la Défense d’alors, Ngoie Mukena, ira jusqu’à refuser d’accompagner le président lors d’une visite officielle en Belgique pour la relance de la coopération militaire.
Le basculement stratégique
Malgré une absence initiale de majorité parlementaire, Tshisekedi parvint à constituer l’Union Sacrée en ralliant d’anciens caciques du régime Kabila, dont Lambert Mende, Evariste Boshab et Ngoy Kasanji. Ce réalignement politique permit au président d’affirmer son autorité et de nommer son propre Premier ministre, marquant un tournant décisif.
La rupture avec l’ancien régime
Les tentatives de déstabilisation se multiplièrent alors. Plusieurs coups d’État avortés, selon les aveux de leurs auteurs, pointaient vers l’entourage de l’ancien président Joseph Kabila. Les arrestations d’Eric Nkuba en Tanzanie et de Ngoie Mulunda en Zambie, suivies de leurs révélations, confirmèrent ces soupçons. Pourtant, Tshisekedi choisit la retenue, évitant un scénario à la congolaise et permettant à Kabila de conserver des soutiens dans l’armée.
La bataille économique
L’interpellation d’hommes d’affaires comme l’Indien Harish Jagtanidu, propriétaire du Centre Hospitalier HJ et de Serve Air Cargo, révéla l’ampleur des réseaux économiques fidèles à l’ancien régime. Ces investigations mirent au jour des manipulations du taux de change du dollar, illustrant les luttes d’influence sur l’économie nationale.
Le virage diplomatique
Sur la scène internationale, la RDC opéra un spectaculaire retour en grâce. L’adhésion à la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), initialement perçue comme une victoire rwandaise, se transforma en atout congolais. L’élection du pays comme membre non permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et le récent deal minier avec les États-Unis ont compliqué la position du Rwanda, dont la menace de quitter la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) témoigne du renversement des rapports de force.
Sur le terrain militaire
À l’Est, la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda, se trouve dans l’impasse. Les initiatives de paix exigent désormais le désarmement et le retrait des forces rwandaises, tandis que les milices locales Wazalendo maintiennent une pression constante. Le retrait éventuel des troupes rwandaises pourrait précipiter l’effondrement des positions rebelles.
Un bilan contrasté mais prometteur
Si des questions persistent sur la gestion des finances publiques, avec des allégations de détournements, le Fonds Monétaire continue pourtant de décaisser des fonds pour soutenir la résilience et le développement du pays. La RDC, autrefois en position de faiblesse, apparaît aujourd’hui comme un acteur régional incontournable, tandis que son président, initialement perçu comme un pantin, a su déjouer tous les pronostics pour s’imposer comme un stratège politique redoutable.
Cette évolution remarquable montre comment Félix Tshisekedi a transformé une position initiale de faiblesse en un leadership affirmé, réécrivant les règles du jeu politique congolais et redessinant la place de la RDC sur l’échiquier régional et international.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
CONGO PUB Online