Des manifestations favorables à la rébellion syrienne ont éclaté dans plusieurs parties d’Europe comme ailleurs dans le monde dimanche 8 décembre. Malgré les incertitudes planant sur l’avenir, l’heure est à la joie parmi tous ceux qui espéraient vivre un jour la chute du régime Assad.
Des centaines de Syriens réfugiés en France se sont rassemblés ce dimanche sur la place de la République, à Paris, pour la victoire. Entre amis ou en famille, ils sont venus spontanément exprimer leur joie.
Ils ont chanté et dansé. Ils sont soulagés après la chute de Bachar el-Assad, même s’ils ont encore du mal à y croire, à l’instar de cette étudiante, qui confie, au micro de Sylvie Koffi : « Je respire l’air pour la première fois, c’est une journée spéciale. Je n’avais pas imaginé qu’on allait arriver à ça. On ne savait pas que ça pouvait arriver un jour. »
Lui aussi a du mal à réaliser. Arès est réfugié politique et se souvient de toutes ces années qu’il a passées à manifester sur cette même place de la République pour son pays. « Ça nous rappelle les premières manifestations qu’on a faites au début de la guerre, dit-il. Même nous, on n’y croit pas. Le peuple syrien a gagné cette guerre, et pour nous, c’est une fierté. »
Tous se serrent dans les bras. Ils sont enfin libres. « C’est la première fois qu’on peut dire « Assad n’est plus là« , lance une femme. C’est un jour qu’on ne peut pas décrire. Pour la première fois, on peut dire « Assad ne nous gouverne pas. La famille d’Assad n’est plus là.« »
Même s’ils ne savent rien de l’avenir qui les attend, beaucoup d’entre eux disent désormais souhaiter rentrer dans leur pays pour participer à le reconstruire.
C’est un moment de joie, de peur, d’inquiétude et de certitude qu’il y a un espoir, l’espoir de construire une Syrie démocratique.
« C’est le moment de faire la fête. Après 60 années de répression »
L’Allemagne a accueilli un million de réfugiés syriens depuis 2015 et l’ouverture des frontières par Angela Merkel. Des milliers d’entre eux ont également manifesté leur joie ce dimanche à l’annonce de la chute de Bachar, et ce dans tout le pays. À Kreuzberg, au centre de Berlin, une manifestation spontanée a rassemblé des milliers de personnes.
La foule était là encore en liesse, les familles hilares, rapporte notre correspondante à Berlin, Nathalie Versieux. Des dizaines de voitures aux capots drapés des couleurs de la Syrie libre sont passées et repassées, saluées par la foule, dans les rues de la ville.
Sabah et ses copines ont roulé fenêtres grandes ouvertes, cheveux au vent, chantant à tue-tête. « Non, ce ne sont pas des islamistes, c’est juste la population qui est contre Assad ! Et les médias allemands présentent ça comme si c’était des militaires islamistes… » « C’est le moment de faire la fête. Après 60 années de répression. »
« Deux de nos cousins qu’on pensait morts depuis douze ans, aujourd’hui, on a trouvé leurs noms sur une liste de personnes vivantes qui viennent d’être libérées de prison », confie même un homme dans la foule.
La défaite d’Assad a aussi pris de surprise la classe politique à Berlin. Si Olaf Scholz salue la chute du dictateur, sa ministre verte des Affaires étrangères Annalena Baerbock met en garde contre le risque que la Syrie tombe aux mains de forces encore plus radicales. Tandis que les conservateurs bavarois évoquent déjà la possibilité de renvoyer vers leur pays les milliers des réfugiés qui n’auraient plus besoin de protection.
Il y a encore une semaine, nous n’aurions jamais imaginé qu’une telle chose puisse se produire, qu’on serait un jour libres. On avait complètement perdu tout espoir. Et d’un seul coup, tout change !
« Je crains que ces différents groupes ne s’affrontent pour obtenir le pouvoir »
Dans la capitale grecque, plusieurs centaines de Syriens ont également investi la place Syntagma pour célébrer, dans l’allégresse, la nouvelle donne. Mais si l’ambiance était à la liesse, une partie des Syriens s’interrogeaient à nouveau sur l’avenir politique de leur pays, préférant se montrer prudents avant d’envisager un retour immédiat.
C’est en grec qu’un Syrien d’une soixantaine d’années, vêtu d’un costume bleu un brin démodé, a lancé les festivités. Mais sur la place centrale d’Athènes, ce sont surtout de jeunes hommes qui ont, comme à Paris, chanté et dansé.
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Maram, lycéenne, se tenait un peu en retrait. Elle et sa famille sont en Grèce depuis sept ans. « Nous sommes extrêmement heureux de ce qui se passe en Syrie, a-t-elle confié à notre correspondant, Joël Bronner. Notre pays nous est rendu et les choses s’améliorent enfin. Personne ne souhaite vivre dans un pays en guerre. »
Plus loin, un groupe de cinquantenaires, aux sourires extatiques, évoquait la fin d’une « situation affreuse ». La chute de la dictature, ils disent l’avoir attendue toute leur vie.
À 40 ans, Abdulrahman Al Diab, lui, reste avant tout réaliste : « J’en rêve mais je me demande si c’est le bon moment pour rentrer en Syrie. À l’heure actuelle, il y a un peu partout des groupes d’opposition différents dans les villes de Damas, d’Alep, d’Hama ou de Homs. Dans les jours qui viennent, quand chacun va revendiquer la libération du pays, je crains que ces différents groupes ne s’affrontent pour obtenir le pouvoir. »
Partout en Europe, les manifestants le savent, la stabilité de la nouvelle Syrie est encore loin d’être garantie. Mais pour l’instant, l’heure est à la fête.
Ma mère est libre pour la toute première fois de sa vie. Au téléphone, elle ma dit « mon fils, je veux te revoir, je veux que tu rentres à la maison ! » Cela fait treize ans que j’ai quitté mon pays.
RFI via CONGO PUB Online







