Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas a annoncé samedi 13 juillet qu’au moins 71 Palestiniens avaient été tués, et près de 300 autres blessés, dans une frappe israélienne sur le camp de déplacés d’Al-Mawasi dans le sud de la bande de Gaza, revoyant à la hausse son précédent bilan. La frappe israélienne visait un des chefs du Hamas, selon l’armée israélienne.
L’armée israélienne confirme avoir tenté d’éliminer Mohamed Deif, le chef d’état-major du Hamas à Gaza. Et également le commandant de la brigade Khan Younès de l’organisation islamiste, Rafa’a Salameh, rapporte notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul. Ce dernier aurait été tué. Mohamed Deif, qui a échappé dans le passé à de nombreuses attaques ciblées, serait grièvement blessé. Une information qui n’est pas encore vérifiée. Les militaires israéliens affirment que les deux hommes se trouvaient dans un bâtiment entre la zone humanitaire d’Al-Mawasi et Khan Younès, dans un environnement civil, mais le porte-parole souligne qu’il ne s’agissait pas d’un camp de tentes pour Palestiniens déplacés.
Côté palestinien, on dément cette information. « Les allégations israéliennes sont absurdes et visent à justifier l’horrible massacre, affirme à l’agence Reuters Sami Abu Zuhri, haut responsable du Hamas. Tous les martyrs sont des civils. »
Une frappe dans une « zone humanitaire censée être protégée »
La zone d’Al-Mawasi, sur la côte entre Rafah et Khan Younès, avait été déclarée « zone humanitaire » par Israël, en théorie sûre pour les déplacés de Gaza. L’Unrwa, agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, estime qu’environ 1,5 million de personnes se trouvent dans l’ensemble d’Al-Mawasi, a indiqué une porte-parole à l’AFP. La frappe de ce samedi matin a touché la partie d’Al-Mawasi dans le secteur de Khan Younès.
« Il reste de nombreuses dépouilles de martyrs éparpillées dans les rues, sous les décombres et autour des tentes de déplacés que l’on ne peut atteindre en raison des tirs intenses de l’occupation », a rapporté à l’AFP Mahmoud Bassal, porte-parole de la Défense civile.
Les victimes ont été transférées vers plusieurs hôpitaux de la région. À l’hôpital koweïtien de Rafah, le directeur Suhaib al-Hams, a indiqué que la plupart des blessures étaient graves, et certaines nécessitaient des amputations.
L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a des équipes à l’hôpital Nasser de Khan Younès. Caroline Seguin, responsable des opérations d’urgence de MSF pour la bande de Gaza, s’attend à un bilan encore plus lourd, explique-t-elle, jointe par téléphone par Julien Chavanne du service international de RFI.
« On sait déjà que le bombardement a eu lieu dans une zone appelée “zone humanitaire” par les Israéliens qui est censée être une zone protégée où des millions de déplacés se sont réfugiés. C’est une zone qui est hyper dense. Chaque fois qu’il y a un bombardement, il y a forcément énormément de victimes collatérales. Nous travaillons à [l’hopital] Nasser et depuis le bombardement, il y a un flux incessant de blessés et de morts qui arrivent à l’hôpital. » Elle ajoute que les chiffres donnés par le Hamas sont confirmés « par [leurs] équipes sur place qui avaient [compté] près d’une centaine de morts qui seraient arrivés et les équipes sont encore en train de gérer tout cet afflux de blessés et de décès, donc on n’a pas encore les derniers chiffres parce que le flux n’est pas encore terminé. »

MSF dénonce une « situation insupportable» pour les Gazaouis
Caroline Seguin dénonce une « situation insupportable » pour la population gazaouie. « On a du mal à trouver les mots pour décrire cette situation tellement elle est insupportable. Cela fait des mois maintenant que les gens ne font que se déplacer comme des lapins en cage, pour essayer de se protéger des bombardements incessants d’Israël. Tout ça dans un contexte de blocus où l’aide humanitaire arrive au compte-gouttes, la nourriture arrive au compte-gouttes, donc les gens commencent à être plus qu’épuisés, ils sont dans un état de traumatisme avancé qui est insupportable à entendre, avec des morts, des blessés, des enfants, au milieu de tout ça. Et c’est de pire en pire. On ne voit rien qui s’arrange depuis des mois. »
On ne peut pas entendre qu’encore des dizaines, voire des centaines, d’enfants ont été tués et blessés pour une cible potentielle d’Israël. Ce n’est pas possible d’entendre ça. Ce n’est pas possible d’accepter ça.
Caroline Seguin, responsable des opérations d’urgence de MSF pour la bande de GazaJulien Chavanne
Sur place, les équipes de MSF ont de plus en plus de mal à travailler, faute de moyens suffisants. « C’est extrêmement compliqué. Malheureusement, on a des afflux de blessés quasiment toutes les semaines depuis début juin et certains même plusieurs fois dans une semaine. Donc, on est complètement atterrés de cette situation », décrit Caroline Seguin.
« Des afflux de blessés, ce doit être des moments très particuliers, ce sont des choses qui n’arrivent pas souvent dans la vie d’un hôpital, malheureusement, à Gaza, et spécifiquement à l’hôpital de Nasser où nos équipes travaillent, ça devient le lot quotidien », poursuit-elle. « Tout ça dans un contexte où nous n’arrivons quasiment plus à faire rentrer de médicaments et où nous sommes en train de compter la moindre petite compresse pour traiter les patients. Donc, cet afflux-là va encore réduire le peu de stocks qui nous reste dans la bande de Gaza. Là, aujourd’hui, après ce qui vient de se passer, je ne sais même plus ce qui reste dans nos stocks. »
Un développement majeur dans le conflit
Pour le Hamas, la frappe montre qu’Israël n’est pas intéressé par un accord de cessez-le-feu. Tous les détails ne sont pas encore connus, mais il est d’ores et déjà qu’il s’agit d’un développement majeur qui aura des conséquences importantes sur le conflit entre Israël et le Hamas qui perdure depuis 280 jours.
La guerre, entrée dans son dixième mois, a éclaté le 7 octobre après une attaque sans précédent menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d’Israël, qui a entraîné la mort de 1 195 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
En riposte, Israël a juré de détruire le Hamas et lancé une offensive qui a fait au moins 38 345 morts, en majorité des civils, d’après des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas. Cette dernière semaine, quatre écoles abritant des déplacés ont été visées en quatre jours par des frappes, faisant au moins 49 morts, d’après des sources à Gaza dont le Hamas. Israël a dit viser des « terroristes ».

RFI via CONGO PUB Online