La République démocratique du Congo se trouve aujourd’hui à un tournant décisif de son histoire institutionnelle. Ce jeudi 22 mai 2025, le Sénat examine en séance plénière le rapport de la commission spéciale concernant la levée d’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ancien président de la République et actuel sénateur à vie. Cette procédure exceptionnelle fait suite aux graves accusations formulées par l’Auditeur général des FARDC, qui reproche à l’ancien chef de l’État des actes de trahison, de collaboration avec le Rwanda et de crimes de guerre en lien avec les activités du mouvement rebelle M23 dans l’Est du pays.
L’absence notable de Joseph Kabila, qui n’a pas daigné se présenter devant la commission d’enquête présidée par le sénateur Christophe Lutundula, ajoute une dimension particulière à ce dossier explosif. Ce silence, interprété diversement par les observateurs politiques, pourrait soit refléter un mépris assumé pour la procédure en cours, soit constituer une stratégie délibérée de contournement judiciaire. Quoi qu’il en soit, cette attitude ne fait qu’attiser les tensions au sein de la classe politique et de l’opinion publique.
La décision que s’apprête à prendre le Sénat revêt une importance capitale. Si les sénateurs votent en faveur de la levée d’immunité, Joseph Kabila deviendrait le premier ancien président congolais à devoir répondre de crimes internationaux devant la justice de son pays. Un tel scénario marquerait une rupture sans précédent dans les pratiques politiques congolaises, où les anciens dirigeants ont traditionnellement bénéficié d’une impunité quasi-systématique.
Au-delà du cas particulier de l’ancien président, cette affaire soulève des questions fondamentales sur l’équilibre des pouvoirs et l’état de droit en RDC. Elle interroge notamment sur l’étendue réelle de l’immunité des anciens chefs d’État, sur l’indépendance de la justice face au pouvoir politique, et sur la capacité des institutions congolaises à juger leurs propres dirigeants pour des crimes graves.
Les implications de cette décision dépassent largement le cadre strictement juridique. Sur le plan politique, elle pourrait soit consacrer une nouvelle ère de responsabilisation des dirigeants, soit au contraire exacerber les tensions entre les différentes factions politiques. Sur le plan international, elle sera scrutée avec attention par les partenaires de la RDC, particulièrement dans un contexte régional déjà marqué par une grande instabilité.
Alors que le Sénat s’apprête à trancher ce dossier épineux, la nation tout entière retient son souffle. Quelle que soit l’issue du vote, elle marquera durablement l’histoire politique du Congo et pourrait constituer un précédent déterminant pour l’avenir de la démocratie congolaise. Les prochaines heures seront donc cruciales, non seulement pour Joseph Kabila en tant qu’individu, mais surtout pour l’ensemble des institutions de la République et leur crédibilité aux yeux du peuple congolais.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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