« Il faut que je dise la vérité au peuple Congolais : il faut absolument augmenter le prix de l’eau pour qu’on arrive à trouver de l’argent à investir dans l’eau. Ce n’est pas normal de produire à 1,2 dollars et de vendre à 600 Francs Congolais« , déclare, invité du Magazine FACE-À-FACE sur TOP CONGO FM, David Tshilumba, Directeur Général de la REGIDESO.
« À la Regideso, le tarif de l’eau est en palier. La grande consommation de nos clients, c’est de 0 à 10 mètres cube. Dans cette fourchette-là, nous facturons l’eau à 600 Francs Congolais, tel qu’imposé par l’État congolais ».
Cependant, « le coût de production est de loin supérieur au tarif. Nous produisons en moyenne jusqu’à 1,25 dollars (3500 Francs Congolais), le mètre cube, parfois on est à 3000 ou 2800 Francs Congolais. Ça dépend des endroits. Mais nous vendons à 600 Francs Congolais ! Ça n’existe pas dans les affaires« , tranche-t-il.
« Il n’y a aucune compagnie qui peut survivre (avec ça). C’est pourquoi la REGIDESO a des difficultés énormes », pointe-t-il.
Pour, tant soit peu, « arrêter l’hémorragie« , David Tshilumba dit avoir aujourd’hui réduit le coût de production avec notamment des épargnes dans le coût des intrants. Mais rien n’y fait ou presque.
Puisqu' »en plus de cela, nous avons de sérieuses difficultés sur le plan énergétique parce qu’il n’y a pas de courant partout au Congo. Or, sans énergie, pas d’eau », formule celui qui est à la tête de la REGIDESO depuis près de 6 mois.
« À Mbandaka/Bikoro, je dois envoyer de l’argent chaque mois pour qu’on achète du carburant. Allez à Kindu, Kananga, Mbuji-mayi et surtout Mbuji-mayi. Si moi ou d’autres n’envoie pas d’argent, ça s’arrête. Donc, le coût de production est très élevé. (Par conséquent), tous les efforts que nous fournissons pour réduire le coût de production, on ne pourra pas le faire avec 600 Francs », martèle-t-il.
« Ça serait vous raconter des chimères que vous dire : le tarif de l’eau va s’arrêter à 600 francs Congolais », insiste David Tshilumba.
Mais alors à quel prix le mètre cube d’eau devrait être vendu pour que la REGIDESO rentre dans ses frais ?

« À moins que le gouvernement ne puisse subventionner de l’eau, si on veut changer l’équation dans ce pays sur la desserte en eau, il faut que le prix de l’eau puisse changer. Nous perdons de l’argent pour chaque mètre cube d’eau que nous mettons sur le réseau. Ce n’est pas durable« , formule tout simplement le Directeur Général sans avancer un tarif.
« Il faut qu’on nous permette de couvrir les coûts d’exploitation et qu’on nous donne une marge régulière de bénéfices. C’est pourquoi la loi sur l’eau prévoit une autorité de régulation de l’industrie qui n’a pas encore été créée, le ministère des Ressources Hydrauliques et Électricité assumant l’intérim pour le moment. Nous lui avons demandé de créer une commission pour nous permettre d’évaluer le coût réel de production », renseigne David Tshilumba.
« Il y a la volonté de changer le prix de l’eau. Notre ministre (des Ressources Hydrauliques et Électricité) comprend le problème. Il est vraiment engagé à nous aider. Je crois qu’on va arriver à faire des changements positifs dans ce contexte« , lance le Directeur Général de la Regideso.
Par ailleurs, David Tshilumba qui ambitionne encore et toujours de faire de sa société, « la meilleure compagnie africaine de distribution d’eau, d’ici 5 ans, dit avoir été récemment en Chine où il a signé un accord avec CCC (China Communications Construction), une entreprise publique Chinoise de construction pour réhabiliter l’usine de Lukunga, l’étendre et doubler sa capacité avec une prise d’eau sur le fleuve Congo. C’est un accord qui va nous permettre de faire les choses autrement », se frotte-t-il les mains avant de vite préciser : « c’est une (entente) entre 2 parties privées ».
Dans les faits, « nous nous mettons ensemble, chacun amène sa contribution, nous concevons l’usine et la construction ensemble jusqu’aux compteurs. Quand ils récupèrent leur argent, ça nous permet de faire un transfert de technologie et nous aurons l’infrastructure à leur départ « , entrevoit-il.
Faisabilité ? « Ça peut prendre 3 à 4 ans. Ce n’est beaucoup d’argent que de récupérer 150 millions de dollars si c’est bien géré dans le secteur de l’eau », lâche-t-il.
À la tête de la Régie de distribution d’eau (REGIDESO) depuis 6 mois, David Tshilumba ambitionne de faire de cette entreprise publique la meilleure compagnie africaine de distribution d’eau. Il affirme avoir depuis engrangé nombre de points positifs qui lui font espérer des lendemains meilleurs.
« Il y a beaucoup de choses positives (qui se sont réalisées depuis 3 mois, date du dernier entretien exclusif sur TOP CONGO). La première, c’est qu’il y a une amélioration de la desserte. Je vois ça dans les données de chaque jour. À Kinshasa, par exemple, nous sommes passés de moins de 60% de desserte à plus de 68, 69, près de 70 % de desserte », affirme, invité du Magazine FACE-À-FACE sur TOP CONGO FM, David Tshilumba, directeur général de la Regideso.
30% de desserte en eau en RDC

Sûr de lui, il estime que « c’est une amélioration significative, il faut le reconnaître. (Toutefois), le pourcentage de desserte n’a pas changé au pays depuis. Elle est toujours de l’ordre de 30% sur les 105 millions de Congolais que nous sommes ».
Les causes, rappelle-t-il, « c’est essentiellement la capacité de production qui est limitée sur l’ensemble du pays et la desserte n’est fonctionnelle que dans les grandes villes. On peut également citer les difficultés énergétiques, les difficultés de l’outil de production qui a vieilli et de l’outil de production qui n’existe pas dans certains coins du pays ».
Toutefois, « des efforts énormes sont fournis non seulement au niveau de la Regideso, mais aussi du gouvernement pour améliorer la desserte« , laisse entendre David Tshilumba.
« Récemment, par exemple, j’étais à Mbuji-mayi. J’ai rencontré des gens qui n’avaient plus vu d’eau potable sortir du robinet depuis 26 ans. C’est quelque chose de positif pour eux », commente-t-il.
Autre point positif, « nous avons significativement réduit le prix des intrants. Les intrants qu’on achetait, par exemple, à 6 500 dollars la tonne, aujourd’hui, nous les achetons à 2500 dollars. Cela n’avait jamais existé ici depuis plus de 30 ans », se félicite-t-il.
Comment cela est-il arrivé ?
« Nous avons amené tout simplement de la rigueur, en demandant à tout le monde d’être intègre. (Pour être plus clair, il faut) dire que les (anciens) prix étaient gonflés« , révèle le directeur général de la REGIDESO.
« Je crois que je vais arriver à acheter la tonne de chlore à 1400 dollars d’ici 2 à 3 semaines« , renseigne-t-il tout en ajoutant que cette « opération mains propres permet de dégager de petits moyens de notre politique ».
Toujours dans la dynamique des points positifs, David Tshilumba relève que « les agents Regideso avaient des difficultés de mobilité, non seulement ici à Kinshasa mais surtout à l’intérieur du pays. Désormais, c’est un problème qu’on a résolu : pour la première fois dans son histoire, la Regideso a acheté sur fonds propres (et non pas sur un financement de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (BAD), encore moins du gouvernement, 60 véhicules pour l’exploitation à hauteur de plus de 3 millions de dollars, montant payé cash« , annonce-t-il.
D’ailleurs, déclare-t-il fièrement, « ce n’est qu’un premier lot. Nous comptons en acheter plus avant la fin de l’année. Nous allons les distribuer sur l’ensemble du pays ».
David Tshilumba se vante aussi de quelques autres réalisations dont la paie qui s’est bien améliorée.
« Quand je suis venu à la Regideso, on s’endettait pour payer les salaires. On ne s’endette plus, nous payons les salaires sur fonds propres. J’ai même augmenté les salaires des agents et nous sommes à jour dans la paie », se targue-t-il.

Et d’envoyer : « demandez aux agents de la Regideso sur l’ensemble de la ville de Kinshasa et dans le pays. Nous avons augmenté les salaires grâce aux petites épargnes que nous faisons parce qu’il est difficile de demander à un agent une performance exceptionnelle quand il n’a pas un salaire de dignité ».
Néanmoins, avance David Tshilumba, « ce que nous avons fait est petit. Nous voulons faire mieux, nous allons faire mieux. Peut-être déjà cette année encore ou légèrement au début de l’année prochaine. Et ce, pour autant que nous continuions à améliorer notre gestion, assainir les finances et surtout améliorer les recettes ».
Enfin, « nous avons aussi acheté des radars qui peuvent aller jusqu’à 10 mètres de profondeur. Nous allons les utiliser pour détecter tous les voleurs d’eau de la Regideso », renseigne-t-il avant de clairement ajouter : « c’est surtout au centre-ville à la Gombe où il y a plus de fraudeurs d’eau. Nous allons les attraper tous, les traîner en justice pour qu’ils nous dédommagent parce qu’ils ont volé l’eau de la Regideso pendant très longtemps », conclut David Tshilumba.
Top Congo fm via CONGO PUB Online