Des manifestations à l’humanitaire, la nouvelle mission des Brothers and Sisters in Arms en Israël

par Ruben Yale

Héraut de la révolte contre la réforme de la justice qui déchirait le pays depuis le début de l’année, l’organisation Brothers and Sisters in Arms s’est mobilisée immédiatement après l’attaque du Hamas. Évacuation de kibboutz, distribution de nourriture, sauvetage d’animaux… Les anciens militaires ont troqué leur combat contre Netanyahu pour une mission humanitaire.

C’est un kibboutz situé dans le sud d’Israël, non loin de la bande de Gaza. Depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre, l’exploitation agricole s’est transformée en état-major civil de crise. Sous un soleil déjà brûlant malgré l’heure matinale, plusieurs dizaines de bénévoles attendent. Tous sont vétérans de l’armée. Tous sont membres de ce qui est devenu la plus grande organisation du pays : Brothers and Sisters in Arms (Frères et sœurs d’armes). Un mouvement né en janvier 2023 pour protester contre le projet de réforme de la justice du gouvernement d’extrême droite de Benjamin Netanyahu.

Les bénévoles des Frères et sœurs d’armes attendent une mission, le 18 octobre 2023.
Les bénévoles des Frères et sœurs d’armes attendent une mission, le 18 octobre 2023. © Assiya Hamza France 24

« Au début, l’organisation n’était composée que de quelques amis proches », raconte Eitan Herzel, co-fondateur de l’organisation et ancien membre d’un commando d’élite de l’armée israélienne. « Nous avons décidé de faire un voyage de trois jours à la Cour suprême de Jérusalem. Nous pensions qu’après cela, les gens nous écouteraient et que tout s’arrêterait. Malheureusement, ce n’était pas suffisant même si des milliers de personnes nous ont rejoints ».

Considérés comme des « traîtres » voire des « anarchistes » par les plus fervents soutiens du Premier ministre, les anciens soldats n’ont pourtant pas hésité à troquer leur combat pour sauver la « démocratie en Israël » contre une mission d’urgence afin de venir en aide aux populations victimes des attaques du Hamas et du Jihad islamique.

« Samedi, le ciel nous est tombé sur la tête. Notre organisation s’est immédiatement transformée en secours d’urgence avec deux cellules de crise, l’une à Tel-Aviv et l’autre ici « , ajoute Eitan Herzel.

Avec l’accord de l’armée, les Frères et sœurs d’armes commencent par évacuer les habitants des kibboutz du sud, les travailleurs étrangers… « Notre priorité était de les mettre à l’abri dans un endroit sûr », précise-t-il. Une mission qui n’a pas toujours fait que des heureux. « Certaines personnes n’aiment pas que nous venions avec nos tee-shirts et nos symboles (tous les volontaires portent des vêtements arborant le logo des Frères et sœurs d’armes, NDLR), mais la plupart nous font des câlins. Une dame de 75 ans est venue ici. Quand elle est descendue de sa voiture, elle m’a serré dans ses bras en disant : ‘Je ne sais pas pourquoi on nous a appris à vous haïr. Vous êtes comme des anges’. Et elle m’a donné 20 shekels. C’est la seule chose qu’elle avait. C’était un moment très émouvant pour moi. »

Le Centre logistique des Frères et sœurs d’armes

Très rapidement, l’organisation au cordeau des volontaires permet de multiplier les actions : livraison de nourriture aux familles et aux soldats, distribution de vêtements, chaussures, produits de première nécessité, sauvetage des animaux domestiques… « Nous sommes comme une entreprise. Elle n’a qu’une semaine d’existence, mais elle maîtrise très bien toutes ses missions, les besoins, la logistique », se félicite Eitan Herzel. « Cela ressemble à Amazon et c’est parti de rien. Tout est basé sur un système de volontariat. C’est tout simplement incroyable ! »

Pour celui qui s’est engagé toute sa vie pour son pays, c’est une fois de plus le signe révélateur de l’échec de la politique du gouvernement israélien. « Ils étaient concentrés sur cette réforme de la justice et ne se souciaient pas vraiment des besoins du peuple israélien. Malheureusement, c’est ce qui nous a amenés à cette situation. Je ne parle pas des aspects liés à la sécurité, mais le pays ne fonctionne plus et nous sommes en train de le remplacer. Nous sommes le système qui fonctionne. »

Un système entièrement basé sur la générosité des particuliers et des entreprises. Et les dons affluent de partout. Tant et si bien que l’organisation utilise désormais un gigantesque entrepôt pour stocker près de dix tonnes de produits collectés. « Nous étions huit il y a dix jours et aujourd’hui nous sommes 3 000 chaque jour », détaille fièrement Yoav, co-fondateur des Frères et sœurs d’armes. Et les demandes abondent. Près de 5 000 commandes d’eau, de nourriture, de produits divers et variés, jusqu’aux batteries de téléphones portables, ont été préparés pour les familles déplacées mais aussi pour les soldats mobilisés.

La cellule de crise des Frères et sœurs d’armes, le 18 octobre 2023.
La cellule de crise des Frères et sœurs d’armes, le 18 octobre 2023. © Assiya Hamza, France 24

Une organisation millimétrée

La cellule de crise fourmille dans un véritable brouhaha. Des dizaines de personnes s’affairent de-ci- de-là. Installées sur des tables et des chaises en plastique blanc, certaines sont rivées au téléphone tandis que d’autres ont les yeux braqué sur les écrans d’ordinateur. Mais chacune a une mission bien précise : réception des demandes, préparation, distribution… le tout parfois facilité par la technologie. « Ici, nous pouvons surveiller les déplacements de chaque équipe grâce à un système GPS et chaque couleur est associée à une mission sur le terrain », explique le réserviste en montrant un écran au mur où des points de couleurs se déplacent sur une carte de la région. » Des points bleus correspondent à une mission spécifique définie en amont, les points verts sont les membres déployés sur le terrain sans tâche précise. 

Dan gère la cellule de sauvetage des animaux domestiques des Frères et sœurs d’armes.
Dan gère la cellule de sauvetage des animaux domestiques des Frères et sœurs d’armes. © Assiya Hamza, France 24

Dans la grande salle où les ventilateurs brassent de l’air chaud, Dan s’active. Il est en charge du sauvetage des animaux domestiques. Deux jours après l’attaque du Hamas, cet amoureux des chiens a réalisé qu’ils étaient peut-être aussi eux-mêmes en danger. « Nous avons commencé à recevoir des appels de l’armée qui découvrait des chiens, des chats, parfois d’autres animaux qu’elle sauvait, mais elle ne savait pas où les emmener. Nous avons donc créé cette organisation pour recevoir les animaux en provenance du terrain, de s’en occuper, puis de leur trouver un foyer. »

Les cages vides utilisées pour transporter les animaux sauvés des zones de guerre, le 18 octobre 2023.
Les cages vides utilisées pour transporter les animaux sauvés des zones de guerre, le 18 octobre 2023. © Assiya Hamza, France 24

Une zone du kibboutz leur est entièrement dédiée. Derrière un hangar où les cages vides jonchent le sol, une pièce un peu hybride. Sacs de croquettes, muselières et autre matériel cohabitent avec ce qui ressemble à une table d’examen surplombée de poches de perfusion. Tout est financé par des dons. « Nous avons une clinique vétérinaire. Ici, nous avons environ un dixième de ce que nous avons reçu. Nous réceptionnons constamment du matériel, de l’équipement et de la nourriture pour chiens et chats. C’est absolument fou. »

La table d'examen de la clinique vétérinaire des Frères et sœurs d’armes, le 18 octobre 2023.
La table d’examen de la clinique vétérinaire des Frères et sœurs d’armes, le 18 octobre 2023. © Assiya Hamza, France 24

Dan raconte alors l’histoire d’un soldat entré dans une maison où toute une famille avait été retrouvée morte après la déflagration d’une grenade. Seul le chien avait survécu. « Le militaire était blessé à la poitrine, mais il a ramené le chien dans un hôpital vétérinaire du centre d’Israël avant de se faire lui même soigner. Voilà le type de soldats et de personnes formidables que nous avons ici. »

Vered est venue spécialement de Tel-Aviv pour apporter sa pièce à l’édifice. C’est le premier jour de volontariat de la vétérinaire de 34 ans. « Nous attendons que des chiens et des chats soient sauvés des zones de guerre. Quand ils arrivent dans la salle d’urgence, nous leur donnons les premiers traitements. Si leurs propriétaires sont encore en vie, nous essayons de le leur ramener. Dans le cas contraire, nous les plaçons », explique Vered, en précisant qu’elle espère ne pas avoir de « blessures trop graves qu’elle ne puisse prendre en charge ». Souvent traumatisées, ces bêtes sont rapidement évacuées, le bruit des détonations et le balai incessant des hélicoptères dans le sud d’Israël étant une source de stress supplémentaire.

Vered nourrit un chat du kibboutz, "le vrai propriétaire des lieux", le 18 octobre 2023.
Vered nourrit un chat du kibboutz, « le vrai propriétaire des lieux », le 18 octobre 2023. © Assiya Hamza, France 24

Près de 200 animaux ont été sauvés au cours des cinq derniers jours, reprend Dan. Chaque jour, il en arrive un peu plus. « Nos soldats risquent leur vie pour sauver les animaux de compagnie parce qu’ils font partie de la famille. Et en tant que propriétaire de chiens, je voudrais qu’ils soient en sécurité avant moi, parce qu’ils sont comme nos enfants. Nous devons prendre soin d’eux avant de prendre soin de nous-mêmes », explique Dan avant de s’interrompre, saisi par l’émotion.

« Nous avons secouru des chiens palestiniens qui se sont enfuis de l’autre côté de la barrière avec Gaza. Peu importe qu’il s’agisse d’un chien palestinien ou israélien », raconte Dan qui estime que « toutes les vies sont importantes. Que vous marchiez sur deux ou quatre pattes, que vous ayez des ailes ou non, cela n’a pas d’importance. »

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