Le maintien des audiences dans l’affaire du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo oppose aujourd’hui deux légitimités constitutionnelles : celle de la justice et celle du parlement. Alors que la Cour constitutionnelle persiste à examiner le dossier impliquant l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo et ses coaccusés, ce dernier invoque son immunité parlementaire avec le soutien apparent de l’Assemblée nationale.
Un conflit institutionnel prévisible
La position de Matata Ponyo repose sur une lecture stricte de la Constitution congolaise. L’article 102 est pourtant clair : « Aucun député ne peut être poursuivi sans l’autorisation de l’Assemblée nationale ». Cette disposition, héritée de nombreuses démocraties, vise à protéger les élus contre des poursuites arbitraires, mais ne devrait pas servir de bouclier contre la justice.
Le risque d’une justice à deux vitesses
L’affaire Bukanga-Lonzo, impliquant 285 millions de dollars américains, concerne des fonds publics considérables. Le principe d’égalité devant la loi devrait prévaloir, quelle que soit la qualité des prévenus. Le ministère public semble déterminé à faire valoir ce principe, affirmant que « la Cour n’est liée par aucune démarche visant à se soustraire à la procédure ».
Les enjeux sous-jacents
Cette crise révèle plusieurs fractures :
- La tension permanente entre pouvoir judiciaire et législatif
- La difficile lutte contre l’impunité des élites
- Les limites du système immunitaire parlementaire
Une solution constitutionnelle possible
Plutôt qu’un affrontement stérile, cette situation devrait conduire à :
- Une saisine rapide de l’Assemblée nationale pour statuer sur la levée d’immunité
- Un débat parlementaire transparent sur ce cas précis
- Éventuellement, une clarification par la Cour constitutionnelle elle-même
Ce dossier dépasse la personne de Matata Ponyo. Il pose la question fondamentale de l’indépendance réciproque des pouvoirs et de leur respect mutuel. La solution ne réside ni dans la fuite en avant judiciaire, ni dans le refuge automatique derrière les immunités, mais dans un dialogue institutionnel respectueux de l’État de droit.
Le peuple congolais, ultime souverain, a le droit de savoir comment ont été utilisés les 285 millions de dollars de Bukanga-Lonzo. C’est à ce prix que se construira une véritable démocratie congolaise.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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