Le Sénat de la République Démocratique du Congo a engagé ce mardi une procédure parlementaire sans précédent en convoquant Joseph Kabila Kabange, ancien chef de l’État (2001-2019) et actuel sénateur à vie, pour examiner la levée de son immunité parlementaire. Cette démarche fait suite à un réquisitoire déposé par l’Auditeur général près la Haute Cour Militaire.
Une convocation aux implications majeures

La missive officielle, datée du 19 mai 2025 et signée par le président du Sénat, invite formellement l’ancien président à comparaître devant une commission spéciale. L’objet de cette convocation : l’examen d’une demande de levée d’immunité, préalable nécessaire à toute poursuite judiciaire.
Cette procédure, prévue à l’article 138 du Règlement intérieur du Sénat, intervient dans un contexte politique particulièrement tendu. Elle fait suite à des accusations publiques du ministre de la Justice, Constant Mutamba, qui a récemment qualifié Joseph Kabila de « coupable de haute trahison » pour son implication présumée dans le soutien aux rebelles du M23, actifs dans l’Est du pays.
L’absence de Kabila, une stratégie politique
À l’heure où ces lignes sont écrites, aucune confirmation de la présence de l’ancien président n’a été enregistrée. Cette absence, si elle se confirme, s’inscrirait dans la continuité d’une stratégie de retrait adoptée depuis son départ du pouvoir en janvier 2019.
« Joseph Kabila a systématiquement refusé de participer aux processus qu’il ne contrôle pas », analyse un expert politique kinois sous couvert d’anonymat. « Son absence aujourd’hui serait interprétée comme un défi lancé aux institutions, mais aussi comme un aveu de vulnérabilité. »
Un contexte politique marqué par la rupture

Cette convocation s’inscrit dans la lignée des récentes mesures prises par l’administration Tshisekedi pour affirmer son autorité face aux réseaux kabilistes :
- La dissolution demandée du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD)
- Le gel de plusieurs biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’ancien président
- La restructuration des forces armées pour limiter l’influence des anciennes factions
Perspectives et implications
Les scénarios possibles incluent :
- Le vote de la levée d’immunité en l’absence de Kabila, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires
- Un blocage institutionnel si les soutiens de l’ancien président au Sénat parviennent à retarder la procédure
- Une escalade politique susceptible d’affecter la stabilité du pays
« Cette affaire teste les limites de notre système judiciaire et la maturité de nos institutions », commente Me Gabrielle Mbuyi, constitutionnaliste. « Elle pose la question fondamentale de l’égalité devant la loi, y compris pour les anciens dirigeants. »
Prochaines étapes
Le Sénat devrait rendre sa décision sous 48 heures. En cas de vote favorable à la levée d’immunité, le dossier serait transmis à la Haute Cour Militaire, pouvant déboucher sur un procès historique.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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