Dans cette cité stratégique aux portes de Goma, la vie n’a plus rien d’ordinaire. Les rues, jadis animées, sont devenues le théâtre d’une terreur systématique. « Rien ne marche ici, la population vit l’enfer », confie sous couvert d’anonymat un habitant, la voix brisée par l’émotion. Son témoignage exclusif dépeint une réalité glaçante, où la survie se mesure au prix de l’humiliation et de la violence.
Une existence sous haute tension
Les champs, naguère source de nourriture et de revenus, sont désormais des no man’s land minés. Impossible pour les paysans de cultiver sans risquer l’explosion. Dans les ruelles de Sake, les exactions se succèdent : pillages, viols, enlèvements. Les auteurs ? Des groupes armés omniprésents – FDLR, M23, ou encore des hommes en uniforme non identifiés – qui imposent leur loi par la terreur.
La « patrouille obligatoire » ou la mort
Parmi les pires cauchemars des habitants : les patrouilles forcées. Chaque nuit, les hommes et jeunes de chaque quartier sont contraints de surveiller leur zone. Refuser équivaut à une condamnation à mort. « L’amende est de 100 000 FC, suivie de 100 coups de fouet. Personne ne survit à ça », murmure notre source. Seuls les sexagénaires, les femmes, les infirmiers et les enseignants échappent à cette corvée mortifère.
Barrages et chasse aux sorcières
Aux barrages, comme celui de Mubambiro, porte d’entrée de Sake, les contrôles sont arbitraires. Tout commentaire politique est interdit. La sentence des milices est sans appel : « Celui qui n’est pas avec nous est contre nous. » Les rafles ciblent particulièrement les jeunes hommes. Un détail suffit pour être accusé d’appartenir aux Wazalendo, FDLR ou FARDC : cheveux longs, tatouages, cicatrices. Les arrestations débouchent souvent sur des disparitions dans des cachots secrets, comme ceux de l’ANR ou de l’Assemblée provinciale de Goma.
L’indifférence qui tue
Alors que la communauté internationale multiplie les réunions d’urgence, les habitants de Sake, eux, meurent en silence. Sans accès à l’aide humanitaire, sous la coupe de bourreaux invisibles, ils survivent dans l’angoisse permanente. « Nous ne sommes plus des êtres humains ici, juste des cibles », conclut amèrement notre interlocuteur.
Dans cette région oubliée, où la guerre a effacé toute trace de normalité, chaque nouveau jour ressemble à un sursis.
Par Basengezi Ntomo, correspondant à Goma
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