Une vidéo virale montre Barack Obama arrêté par le FBI. Entièrement générée par l’IA, elle a été publiée par Donald Trump lui-même. Mais au-delà de la mise en scène, c’est l’explosion de la désinformation numérique, aux États-Unis comme en Afrique, qui inquiète.
La vidéo a fait le tour du web en quelques heures. Publiée dimanche 20 juillet sur le réseau Truth Social de Donald Trump, elle met en scène l’arrestation de Barack Obama par le FBI, suivie de son incarcération. Des images choquantes, mais surtout inventées, ou plutôt générées par intelligence artificielle (IA), avec en légende : « Personne n’est au-dessus des lois ». L’auteur de la publication n’est autre que le président américain lui-même.
Cette mise en scène fait écho à des accusations récemment formulées par Tulsi Gabbard, actuelle directrice du renseignement américain. « Nous avons publié plus de 100 documents détaillant la manière dont cette conspiration a été orchestrée par le président Obama », a-t-elle affirmé sur la chaîne Fox News, accusant ce dernier d’avoir manipulé les services de renseignement en 2016 pour nuire à Trump. Selon Mme Gabbard, l’équipe Obama avait « préparé le terrain pour un coup d’État » contre le milliardaire, après sa victoire face à Hillary Clinton.
La désinformation, menace mondiale n°1
Au-delà des rivalités politiques américaines, cette vidéo symbolise une nouvelle ère dans la guerre de l’information. Dans son rapport 2024, le Forum économique mondial (WEF) identifie la désinformation comme la principale menace globale à court terme. « C’est la première fois que ce risque est explicitement évoqué dans notre rapport, et il passe directement à la première place », souligne Saadia Zahidi, directrice générale du WEF.
Le secteur privé partage cette inquiétude. « L’intelligence artificielle fournit de nouvelles armes aux cybercriminels. Il n’y a même plus besoin d’être supérieurement intelligent pour manipuler l’opinion », prévient Carolina Klint, analyste en gestion des risques chez Marsh McLennan.
L’Afrique, laboratoire de la désinformation numérique
Ce phénomène ne s’arrête pas aux États-Unis. En Afrique, où les institutions démocratiques sont parfois plus vulnérables, l’IA devient un outil de manipulation politique de plus en plus courant. Comme le note le rapport du WEF, la prolifération de fausses informations générées par IA pourrait exacerber la polarisation des sociétés, affaiblir la confiance dans les institutions et déstabiliser les pays.
Au Togo, une fausse édition du journal de Radio France Internationale (RFI), accompagnée d’un enregistrement audio attribué à Emmanuel Macron, lui aussi généré par IA, « a été écoutée plus de deux millions de fois sur TikTok et Facebook », selon le média français.
Même scénario au Burkina Faso, où des vidéos surréalistes circulent en ligne, montrant des célébrités comme R. Kelly, Beyoncé, Eminem, voire le pape, saluant le capitaine Ibrahim Traoré comme un héros panafricain. Si les images sont fausses, les effets sur la jeunesse connectée auprès de laquelle la junte veut renforcer son image sont eux bien réels.
Ces cas illustrent un phénomène de plus en plus difficile à endiguer : l’instantanéité et l’anonymat de la diffusion de contenus falsifiés via les réseaux sociaux, de Truth Social à TikTok, en passant par X (ex-Twitter) et Facebook.
« La crainte, c’est qu’un jour, plus personne ne croie en rien de ce qu’il lit ou voit », s’alarme John Scott, expert en risques mondiaux chez Zurich Insurance Group. Un constat partagé par les chercheurs. Dès 2019, une étude conjointe de l’Université de Baltimore et d’une entreprise de cybersécurité estimait le coût économique de la désinformation à plus de 78 milliards de dollars, voire 100 milliards si l’on inclut les pertes indirectes.
Servan Ahougnon