Quinze ans après avoir été suspendu de la SADC, Madagascar revient au cœur de l’organisation en accédant à sa présidence, une première depuis son adhésion en 2005. Une position stratégique qui symbolise son retour progressif sur la scène régionale, dans un contexte marqué par des tensions politiques et économiques.
Le dimanche 17 août 2025, Madagascar accueillera le 45e sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Ce rendez-vous symbolique marquera un moment clé pour le pays qui occupera la présidence tournante de l’organisation régionale jusqu’en 2026.
Concrètement, la gouvernance de la SADC est assurée par une double Troïka, en l’occurrence la Troïka du Sommet (la plus haute instance chargée des grandes orientations) et la Troïka de l’Organe (se concentre sur les questions de politique, défense et sécurité). Andry Rajoelina siège actuellement dans la première, en tant que président entrant, aux côtés du Zimbabwe (président en exercice) et de l’Angola (président sortant). Le chef d’Etat zimbabwéen, président en exercice de la SADC depuis août 2024, cèdera donc cette fonction au dirigeant malgache à l’occasion du prochain sommet.
Un premier sommet historique pour Madagascar
Ce jalon constituera une « étape historique pour Madagascar, affirmant son rôle de leader régional dans la SADC », avait commenté la présidence malgache après la désignation du pays.
Il survient à un moment où Antananarivo entend renforcer son influence en Afrique, volonté traduite par plusieurs initiatives parmi lesquelles on retrouve la tentative infructueuse du pays de faire élire l’ex ministre Richard Randriamandrato au poste de président de la Commission de l’Union africaine en février dernier.
Il s’agit surtout d’un test de premier plan pour le président Andry Rajoelina, qui devra diriger la plus haute instance d’une communauté dont le produit intérieur brut (PIB) combiné des États membres s’élève à plus de 841 milliards de dollars.
Le président Andry Rajoelina devra diriger la plus haute instance d’une communauté dont le PIB combiné des États membres s’élève à plus de 841 milliards de dollars.
Derrière ce poids économique se cache plusieurs défis. Citons entre autres les incertitudes liées à la réduction ou la suppression de certains financements par l’administration Trump, notamment pour des initiatives phares comme l’USAID. À cela s’ajoute les débats autour du renouvellement de l’AGOA, le régime préférentiel d’accès au marché américain dont bénéficient plusieurs États membres de la SADC, à l’instar de l’Afrique du Sud, Madagascar, Zimbabwe ou encore la Zambie.
Par ailleurs, selon le Programme régional d’évaluation de la vulnérabilité de la SADC, plus de 40 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire chaque année dans la région. Une situation imputable à plusieurs facteurs, dont la pauvreté généralisée, le changement climatique (sécheresse prolongée, inondations fréquentes), ou encore les conflits.
Une SADC confrontée à des crises multiples
Près d’un an après le dernier sommet, la SADC, dont la mission porte sur la promotion de la sécurité et de la stabilité dans la région, a traité plusieurs crises majeures.
En premier lieu, la crise post-électorale au Mozambique, marquée par une recrudescence des troubles civils à la suite du scrutin présidentiel controversé d’octobre 2024. Parallèlement, la situation sécuritaire en RDC reste au centre des attentions, notamment avec la progression des rebelles du M23 dans l’Est du pays et les récentes promesses de paix.
Alors qu’une prolongation du mandat de la Mission de la SADC en RDC (SAMIDRC) avait été annoncée en novembre 2024, la Communauté a revu sa stratégie quelques mois plus tard. Lors d’un sommet extraordinaire tenu en mars 2025, les chefs d’État de la Troïka du Sommet ont décidé de mettre fin au mandat de la SAMIDRC, entérinant ainsi le retrait progressif des troupes déployées en RDC.
Un leadership à consolider pour Madagascar
La SADC et Madagascar se trouvent à un tournant. Avec les enjeux actuels, la capacité d’adaptation de l’organisation et de ses membres sera suivie de près. Malgré ses ambitions diplomatiques affirmées, l’administration malgache devra également affirmer son leadership aux côtés de puissances régionales comme l’Afrique du Sud ou l’Angola.
Le rôle prédominant de la première économie africaine dans les dynamiques de l’organisation fait l’objet de débats permanents depuis quelques années.
Le rôle prédominant de la première économie africaine dans les dynamiques de l’organisation fait l’objet de débats permanents depuis quelques années.
Saurombe Amos, professeur sud-africain agrégé de droit et membre du BRICS Think Tanks Council, expliquait à ce propos que cette position pourrait représenter un obstacle pour les objectifs d’intégration régionale de la SADC, « compte tenu des divergences d’opinions ». L’Institut d’études de sécurité ISS Africa a de son côté soulevé un autre défi après la décision menant au retrait des forces de la SAMIDRC, une mission ayant, indique-t-il, « souffert d’un manque de cohésion au sein de la SADC ».
Pour Madagascar, c’est donc une occasion de montrer qu’un leadership régional, même exercé par une puissance intermédiaire, peut être moteur d’intégration et de cohésion. Le pays pourrait profiter de cette visibilité régionale pour pousser plusieurs chantiers prioritaires, tels que la mise en œuvre accélérée de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), ou encore le renforcement de l’interconnexion énergétique dans le sud du continent.
Agence Ecofin