Alors que l’opposition, les avocats de Succès Masra et les ONG en appellent à la médiation congolaise en affirmant que Ndjamena a violé l’accord de Kinshasa, la RDC affirme que ce dernier n’est plus d’actualité et que « tout a été respecté dans l’ordre ». Signé le 31 octobre 2023 sous l’égide du président congolais Félix Tshisekedi, il permettait le retour d’exil de l’opposant, prévoyant notamment une amnistie et la garantie pour l’opposant d’exercer librement ses activités politiques.
L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) fait partie de ceux qui dénoncent un procès « politique ». L’ONG appelle le président congolais, médiateur dans la crise tchadienne de 2023, à intervenir, comme l’exprime le directeur de HRW pour l’Afrique centrale Lewis Mudge auprès de notre journaliste du service Afrique, Carol Valade.
Jusque-là, il n’y a pas une preuve tangible pour montrer que Succès Masra et ses coaccusés étaient impliqués dans les violences de Mandakao. Pour nous, de Human Rights Watch, cela montre qu’il y a un problème avec le système judiciaire au Tchad, dans les termes de son indépendance. À travers le monde, c’est à la mode de dire « les solutions africaines pour les problèmes africains », je suis tout à fait d’accord. Mais Succès Masra est revenu au Tchad grâce à l’accord de Kinshasa et le garant de cet accord est Félix Tshisekedi. Où est le président Tsishekedi ? Jusque-là, c’est silence radio, jusque-là, on se demande à HRW où est Félix Tshisekedi, où est l’accord de Kinshasa.
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Pour Human Rights Watch, l’affaire Succès Masra «montre qu’il y a un problème avec le système judiciaire au Tchad, dans les termes de son indépendance», affirme son directeurpour l’Afrique centrale Lewis MudgeCarol Valade
Si en plus des ONG, les avocats et le parti de Succès Masra dénoncent une violation de l’accord de Kinshasa, le gouvernement congolais n’est pas de cet avis. Selon le ministre Didier Mazenga, envoyé spécial de Félix Tshisekedi pour le Tchad, ces accusations sont fausses.
Cet accord de Kinshasa a été exécuté et mis en application à 100%. L’accord concernait le retour de Succès Masra dans son pays, il concernait que Succès Masra respecte les lois du pays, cela concernait le gouvernement de garantir sa sécurité, cela concernait le gouvernement de la levée des sanctions sur le fonctionnement de son parti, tout a été respecté dans l’ordre. Mais cet accord a été limité dans le temps, ce n’est pas un accord qui demeure après la Transition. L’accord concernait pendant la période de la Transition et pour le retour de Succès Masra dans son pays. Aujourd’hui, on ne doit pas évoquer l’accord du fait qu’il y a eu des élections, il y a une nouvelle Constitution, et à ce moment-là, on ne peut plus revenir sur la transition ! L’accord était limité dans le temps : c’est cela la précision qu’on doit rappeler.
« L’accord a été exécuté et mis en application à 100% » et il « était limité dans le temps », martèle le ministre Didier Mazenga, envoyé spécial de Félix Tshisékédi pour le TchadCarol Valade
Le ministre précise toutefois que le président Tshisekedi reste « préoccupé par la situation », qu’il a bien reçu la requête du parti de Succès Masra et qu’il a déjà échangé avec son homologue tchadien sur le sujet, sans préciser la teneur de la discussion.
Les Transformateurs réclament une « amnistie » et non une « grâce »
Si « l’accord de Kinshasa est devenu caduc », il « est nécessaire que ses parrains – en la personne du président Tshisekedi et les pays membres du CEEAC – s’en mêlent activement », pour « sauver encore ce qu’on peut sauver de cette nation », affirme Ndolembai Njesada, vice-président des Transformateurs, grand invité Afrique de RFI.
Alors que beaucoup s’attendent à une éventuelle grâce présidentielle, possiblement par la médiation de Félix Tshisekedi, les Transformateurs demandent au président Mahamat Idriss Déby une « amnistie » et non une « grâce ».
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Car la condamnation de Succès Masra le prive de ses droits civiques et politiques. Le code pénal en son article 27 Stipule « la dégradation civique est une peine accessoire à toute condamnation pour crime ». Il ne pourrait donc plus se présenter, notamment pour la prochaine élection présidentielle de 2029.
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Même grâcié, Succès Masra ne pourrait pas se présenter en 2029
Une grâce présidentielle, serait « tout à fait envisageable puisqu’on a régulièrement vu un tel scénario se produire sur la scène politique tchadienne », selon Remadji Hoinathy. Certains s’attendait même à ce que cette grâce intervienne mercredi 13 août, à l’occasion de la fête nationale de l’indépendance.
Mais lors de son discours, le président Mahamat Idriss Déby n’a pas eu à un mot à l’endroit de son principal opposant. Pour rappel, la grâce ne peut intervenir qu’après une condamnation définitive et l’épuisement des voies de recours, ou en l’absence de recours. Il faudra donc attendre la fin de la procédure judiciaire.
La grâce est toutefois limitée à la peine accessoire et laisse subsister la condamnation. En clair, même gracié, Masra ne pourrait toujours pas se présenter en 2029.
RFI