Après François Bayrou, les scénarios d’une France dans l’impasse

par admin9775

La chute du gouvernement Bayrou, officialisée par l’échec prévisible du vote de confiance, marque un nouveau tournant dans la crise politique qui secoue la France depuis plus d’un an. Quatre Premiers ministres en 20 mois : jamais la Vème République n’avait connu pareille valse à Matignon. Mais la chute de François Bayrou n’est pas seulement un épisode de plus dans la chronique du désordre : elle ouvre une période d’incertitude extrême.

Depuis les élections législatives anticipées de 2024, le Parlement français est divisé en blocs presque irréconciliables. Aucun ne parvient à imposer une majorité stable, et les tentatives de compromis restent lettre morte. « L’équation politique à résoudre est quasi insoluble », résume le politologue Olivier Rouquan sur RFI, pointant la fragmentation et la polarisation inédite de la représentation nationale.

Matignon, le casse-tête du « mouton à cinq pattes »

Dans ce contexte, la nomination d’un nouveau Premier ministre relève du défi impossible. Ni la droite, ni la gauche ne semblent en mesure de construire un socle suffisamment large. Reste l’option de la société civile, mais c’est aussi un pari dangereux : quelqu’un sans base politique solide risque de se retrouver isolé. « On évoque un profil technique, à l’italienne, mais la configuration française est différente. Même un technicien devra manœuvrer dans une Assemblée très fragmentée et polarisée. Rien ne dit qu’il y parviendra mieux qu’un politique expérimenté », analyse Olivier Rouquan.

Le président pourrait-il s’en remettre à un fidèle de son camp ? Des noms circulent comme Sébastien Lecornu ou Catherine Vautrin. Malgré l’échec de Michel Barnier puis de François Bayrou, Emmanuel Macron retentera-t-il l’expérience ? Peut-être, s’il n’est toujours pas prêt au compromis sur sa politique économique et qu’il reste convaincu que le bloc central est le plus à même de trouver une majorité. Mais quoi qu’il arrive, la manœuvre n’offrirait aucune garantie de stabilité : « Les partis qui pourraient aider à maintenir un gouvernement minoritaire sont eux-mêmes divisés », souligne le politologue.

La tentation d’un gouvernement d’ouverture à gauche, défendue par le PS d’Olivier Faure qui se dit « prêt » à succéder à Bayrou, reste fragile. « Quel est l’intérêt réel du Parti socialiste aujourd’hui d’entrer dans cette galère ? Les prochaines élections ne sont plus si éloignées et même si le budget est moins sévère, ce ne sera pas un budget d’abondance », rappelle Olivier Rouquan. Le chercheur voit dans cette stratégie une posture de communication plus qu’une solution crédible. « L’hypothèse du parti socialiste comme centre de gravité d’un gouvernement, me semble faible », ajoute-t-il, tout en nuançant : « il y a beaucoup de surprises ces derniers temps. »

Dissolution ou intérim : l’impasse des urnes

L’alternative d’une dissolution de l’Assemblée, réclamée par le Rassemblement national (RN) et soutenue par une majorité de Français selon les sondages, apparaît tout aussi risquée. Les projections donnent le RN en tête, mais sans majorité absolue, ce qui ne ferait qu’entretenir la paralysie. Emmanuel Macron y semble opposé, d’autant que des élections anticipées profiteraient aux oppositions. « Si législatives il y a, il est probable que le centre soit encore plus affaibli, remplaçant la crise par une autre crise », avertit l’historien Andrew W. M. Smith, interrogé par France 24.

Quant au scénario de transition avec un gouvernement expédiant les affaires courantes, il n’est pas plus attrayant. Un intérim prolongé ne ferait que prolonger l’incertitude, accentuer la défiance et l’atonie politique, tandis que les oppositions surenchérissent dans la critique d’Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon va jusqu’à réclamer la démission du président et l’organisation d’une présidentielle anticipée. Si le chef de l’État a jusqu’ici refusé tout compromis, « il se retrouve seul et il va être contraint à une clarification, une explication de son point de vue », constate Olivier Rouquan.

La rue, nouvelle arbitre de la crise ?

Cette impasse n’est pas qu’une question d’arithmétique parlementaire : elle traduit une rupture profonde entre la société et ses représentants. Le discrédit qui frappe l’exécutif est massif : selon une enquête Verian pour Le Figaro Magazine, seuls 15 % des Français font confiance à Emmanuel Macron pour sortir de la crise, un score historiquement bas. Le rejet du plan d’austérité de François Bayrou – gel des prestations, suppression de jours fériés – n’a fait que cristalliser la défiance, tandis que la perspective d’un nouveau gouvernement minoritaire suscite surtout le scepticisme.

À la crise institutionnelle s’ajoute la menace d’un embrasement social. Le mouvement « Bloquons tout » appelle à une paralysie du pays à partir du 10 septembre, tandis que les syndicats annoncent une journée de grève et de manifestation le 18. Des mobilisations dont l’ampleur reste incertaine, mais qui inquiète le pouvoir. « Beaucoup de Français ne sont pas sereins dans ce qu’ils vivent, il y a de la méfiance. Cela crée un cocktail qui ajoute de l’incertitude et peut avoir un écho direct sur l’Assemblée », prévient le politologue.

La sociologue Marion Carrel évoque même au Guardian un « climat de pré-révolution », nourri par la montée des inégalités, la dégradation des services publics et la conviction que « les petites gens ne sont pas écoutés ». Le risque d’une contagion du malaise social à la sphère politique est d’autant plus élevé que les partis traditionnels peinent à incarner une alternative crédible. Alors que vient s’ajouter à cela la perspective d’une crispation des marchés financiers devant une telle instabilité.

L’ombre du RN

Face à ce vide, le Rassemblement national avance ses pions, profitant du discrédit des partis de gouvernement et d’un contexte économique anxiogène. « Le RN a un programme, une vision du monde ; la question est de savoir quelle contre-proposition les autres forces politiques sont capables d’opposer », insiste la politologue Niagale Bagayoko. Tant que la gauche n’assume pas « le courage de repenser la question fiscale et le rôle de l’État », le RN pourra prospérer sur le sentiment d’abandon d’une partie du pays.

Car au-delà du casting gouvernemental, c’est la capacité du système politique français à se réinventer qui est en jeu. La situation actuelle met en lumière l’urgence d’une culture du compromis, d’un renouvellement du pacte social et de la restauration de la confiance démocratique. « Tant qu’il n’y aura pas une vraie réflexion programmatique pour changer de logiciel, on restera dans ce type de crise », conclut Niagale Bagayoko. La chute de François Bayrou confirme la crise institutionnelle profonde que traverse le pays, un régime sans majorité et sous tension sociale.

RFI

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