Vendredi 12 décembre se tenait la première réunion du Conseil de sécurité des Nations unies depuis l’entérinement de l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda, et aussi la première depuis la chute d’Uvira, dans l’est congolais. À New York, les avancées diplomatiques sont mises à l’épreuve par la réalité du terrain. Les États-Unis et la France accusent directement le Rwanda de soutenir militairement le M23 et alertent sur un risque d’embrasement régional et une grave crise humanitaire.
Alors que le secrétaire général adjoint de l’ONU, Jean-Pierre Lacroix, mettait en garde contre le fait que « ces derniers jours, la nouvelle offensive lancée par l’AFC/M23 dans le Sud-Kivu a réveillé le spectre d’un embrasement régional aux conséquences incalculables », le ton de Washington s’est durci en huit jours, rapporte notre correspondante à New-York, Carrie Nooten.
« Au lieu d’une avancée vers la paix, comme nous l’avons vu sous la direction du président Trump ces dernières semaines, le Rwanda mène la région vers plus d’instabilité et vers la guerre », a déclaré l’ambassadeur américain Mike Waltz.
5000 à 7000 soldats rwandais au moins se battraient aux côtés du M23
Selon lui, Kigali aurait participé « intimement » à la planification et à l’exécution de la guerre, en donnant des instructions militaires et politiques. L’ambassadeur américain n’a pas hésité à détailler l’ampleur de l’implication rwandaise, évoquant un soutien logistique, du matériel, de la formation, ainsi qu’un appui en entraînement. Entre 5 000 et 7 000 soldats rwandais combattraient aux côtés du M23, « sans compter une possible augmentation » lors de la nouvelle offensive du M23 en cours, a-t-il affirmé.
Ces derniers mois, le Rwanda a déployé de nombreux missiles sol-air et d’autres armements lourds et sophistiqués dans le Nord et le Sud-Kivu pour aider le M23 dans sa guerre contre la RDC. Le Rwanda et le M23 ont lancé leur offensive pas plus tard que le week-end dernier pour prendre le contrôle d’Uvira avec les forces rwandaises en première ligne au côté du M23. Nous avons des informations crédibles d’une augmentation de l’utilisation de drones suicides et d’artillerie de la part du M23 et du Rwanda, y compris des frappes au Burundi. Au lieu d’une avancée vers la paix – comme nous l’avons vu sous la direction du président Trump ces dernières semaines – le Rwanda mène la région vers plus d’instabilité et vers la guerre. Au vu des engagements qui ont été pris dans le cadre de l’accord de Washington, nous sommes profondément préoccupés par la présence continue de militaires rwandais en territoire congolais pour soutenir le M23. Et nous utiliserons tous les outils à notre disposition pour tenir pour responsables ceux qui sapent la paix.
L’ambassadeur américain Mike Waltz: « Le Rwanda mène la région vers plus d’instabilité et vers la guerre»RFI
Les États-Unis évoquent aussi une offensive conjointe du Rwanda et du M23 pour prendre Uvira, avec un usage accru de drones suicides et d’artillerie, y compris des frappes au Burundi.
Pour MSF, l’échec de l’accord de Doha est «profond»
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La France partage l’alerte. Pour l’ambassadeur français à l’ONU, Jérome Bonnafont, cette offensive comporte des risques d’embrasement dans la région. Il a indiqué avoir soumis aux États membres un projet de résolution permettant de « positionner la Monusco dans un rôle d’accompagnement de tous les efforts de paix », notamment « la surveillance du cessez-le-feu ».
L’offensive du M23, soutenue par les Forces rwandaises de défense, met en péril la stabilité régionale et compromet la sécurité des civils. La prise de la ville d’Uvira, dans le Sud-Kivu frontalière du Burundi, emporte des risques sérieux et imminents d’escalade régionale et menace directement la sécurité de pays frontaliers. Le recours à des drones suicides constitue une escalade préoccupante. Ces combats ont entraîné le déplacement forcé de dizaines de milliers de civils, dégradant encore la situation, alors qu’il s’agit déjà, dans cette zone, de la deuxième crise humanitaire la plus grave du monde. La communauté internationale s’est mobilisée pour venir en aide aux populations touchées par le conflit. Lors de la conférence de Paris, le 30 octobre dernier, la France réaffirme l’urgence de protéger les populations civiles. La France exhorte le M23 à mettre un terme à son offensive et les Forces rwandaises de défense à se retirer du territoire congolais. En application de la résolution 2773 adoptée à l’unanimité par ce Conseil, le M23 doit respecter ses engagements au titre de la Déclaration de principes et de l’accord-cadre de Doha.
L’ambassadeur français à l’ONU, Jérome Bonnafont: «La France exhorte le M23 à mettre un terme à son offensive et les Forces rwandaises de défense à se retirer du territoire congolais»RFI
Sur le plan humanitaire, Médecins sans frontières dresse un constat sévère. « Malgré des engagements de haut niveau à Washington et à Doha, la violence contre les civils reste quotidienne », déclare son président, le Dr Javid Abdelmoneim, qui évoque des témoignages de massacres attribués au M23.
« De notre point de vue, il n’y a pas de conséquences suffisantes », explique-t-il. « Les membres décrivent les violations pour les civils, mais ces violations continuent dans l’impunité pour les personnes qui vivent ce conflit. La question n’est pas de savoir si le Conseil comprend la réalité, mais pourquoi cela ne se traduit pas par une protection effective. Cet écart est regrettable. L’échec est profond », conclut-il.
Si le conseil ne peut pas intervenir alors que de nombreuses vies sont en jeu, alors la promesse de la protection civile devient une doctrine creuse qui n’intervient pas lorsque cela est nécessaire. Il ne faut pas de rhétorique ni d’architecture diplomatique. Aujourd’hui, il nous faut une volonté pour rappeler que les civils ne sont pas des objets, que leurs droits à la sécurité, à la dignité ne sont pas négociables. Pas en RDC et pas lorsque les civils sont menacés.
Dr Javid Abdelmoneim, président de MSF alerte l’ONU sur la poursuite des violences contre les civils malgré les accords de paixPatient Ligodi
Lors de la réunion, la cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Wagner, a de nouveau réclamé des sanctions contre Kigali. Invité à s’exprimer, le Burundi a rappelé son droit à se défendre, tandis que l’ambassadeur rwandais a accusé la RDC et le Burundi d’avoir violé les cessez-le-feu en vigueur.






