Par Claudel Lubaya
La République démocratique du Congo traverse une période critique où les fondements de son État de droit sont mis à rude épreuve. Les récentes initiatives du pouvoir en place, visant notamment la levée de l’immunité du sénateur à vie Joseph Kabila et la dissolution de partis politiques d’opposition, soulèvent des inquiétudes légitimes quant au respect des principes constitutionnels.
Une violation sans précédent des garanties institutionnelles

Le projet de lever l’immunité de Joseph Kabila constitue une rupture dangereuse avec les traditions républicaines. L’article 104 de la Constitution et les dispositions spécifiques sur le statut des anciens présidents créent un régime protecteur clair : la décision relève de la compétence exclusive du Congrès, non du Sénat. En court-circuitant cette procédure, le pouvoir actuel franchit une ligne que même les régimes précédents, souvent critiqués pour leur autoritarisme, n’avaient osé traverser.
Cette initiative intervient dans un contexte où le gouvernement, fragilisé par des révélations embarrassantes sur sa gestion, semble chercher à détourner l’attention par des mesures spectaculaires contre l’opposition. La manœuvre politique est transparente, mais ses conséquences institutionnelles pourraient être durables.
La dissolution des partis politiques : l’arbitraire comme méthode
La décision de dissoudre le PPRD et le MLP repose sur une interprétation abusive des textes. Les articles 6 et 8 de la Constitution, ainsi que la loi sur le statut de l’opposition politique, établissent pourtant des garanties contre de telles dérives. Le gouvernement commet une erreur juridique majeure en confondant les actes individuels de certains membres avec la responsabilité des partis en tant que personnes morales.
En agissant ainsi, le pouvoir ne se contente pas de réprimer des formations politiques : il s’attaque au pluralisme démocratique lui-même. La criminalisation de la contestation politique ouvre la voie à une dangereuse escalade autoritaire, où toute critique pourrait bientôt être assimilée à une menace pour l’État.
Un pouvoir qui tourne le dos à ses propres engagements
Ironie de l’histoire, ces mesures répressives contredisent directement les principes issus du dialogue national, qui avait pourtant permis des avancées significatives vers la libéralisation de la vie politique. Le gouvernement actuel piétine ainsi l’héritage consensuel qui avait émergé des larges consultations politiques.
Plus grave encore, cette dérive intervient alors que toutes les tentatives de révision constitutionnelle ont échoué. Faute de pouvoir modifier les règles du jeu démocratique, le pouvoir semble choisir de simplement les ignorer, gouvernant par décrets et décisions unilatérales plutôt que par le dialogue et le respect des institutions.
Un appel à la raison
Face à cette dangereuse escalade, je lance un appel solennel :
- Au président Tshisekedi : renoncez à ces mesures qui déconsidèrent votre fonction et mettent en péril la stabilité du pays.
- Aux sénateurs : résistez à la pression et respectez votre serment de défendre la Constitution.
- À la communauté internationale : soyez vigilants face à cette dérive autoritaire qui menace les acquis démocratiques congolais.
Le moment est grave. La RDC ne mérite pas de sombrer dans l’arbitraire. Il est encore temps de choisir la voie du droit et du dialogue, plutôt que celle de la répression et de la division. L’avenir de notre nation en dépend.
Claudel Lubaya
Expert en droit constitutionnel