La cérémonie des Flammes, qui récompense les artistes de la scène urbaine, a pris une dimension politique et profondément humaine grâce à l’intervention marquante du chanteur Corneille, invité à dévoiler les nommés dans la catégorie du Meilleur artiste masculin de l’année.
Avant de livrer la liste des finalistes, l’artiste canadien d’origine rwandaise a tenu à adresser un message fort, en soutien à la population de l’est de la République démocratique du Congo, en proie à une crise humanitaire et sécuritaire aggravée.
« En tant que Rwandais, j’aimerais apporter mon soutien le plus sincère à tout ce qui souffre en ce moment dans l’Est du Congo. Les Congolais sont mes frères, sont mes sœurs », a déclaré Corneille Nyungura, visiblement ému.
Un appel à la paix et à l’amour au-delà des conflits politiques
Fustigeant les manipulations politiques et les violences, Corneille a livré un témoignage personnel :
« Goma est la première ville qui m’a accueilli quand j’ai fui le Rwanda. Il est de ces pouvoirs qui veulent nous prêter des combats qui ne nous appartiennent pas. Je vous implore de rester patients… les Congolais sont mes frères et mes sœurs. On va essayer de résister en amour. »
Un message pacifiste, mais aussi une prise de position rare dans un contexte de tensions diplomatiques persistantes entre Kigali et Kinshasa.
Corneille brise le silence sur son passé : « J’ai vu les assassins de ma famille »
Son intervention à Paris s’inscrit dans une démarche plus large : celle de vérité. Dans un livre autobiographique récemment publié, Corneille livre, pour la première fois, une version claire et douloureuse des événements de 1994 au Rwanda.
Il y raconte comment, à l’âge de 17 ans, il a échappé au massacre qui a coûté la vie à ses parents, ses deux frères et sa sœur, assassinés par des soldats du FPR (Front Patriotique Rwandais), le mouvement aujourd’hui au pouvoir à Kigali.
« J’étais caché derrière un canapé. J’ai tout entendu. Les soldats ont demandé à mon père s’il cachait des ‘cafards’. Il a répondu qu’il soutenait le régime. Ils ont ouvert le feu », écrit-il.
Un livre pour transmettre la vérité à ses enfants
Aujourd’hui père de famille et installé au Canada, Corneille explique sa démarche :
« Ce livre, c’est pour mes enfants. Pour qu’ils sachent pourquoi ils n’ont ni grand-père, ni grand-mère. Pourquoi leur père a peur de retourner au Rwanda. »
Son récit mêle souffrance, abus, résilience et quête de paix intérieure. Loin des projecteurs, c’est un homme qui cherche à réconcilier son histoire personnelle avec celle d’un peuple fracturé par la guerre et le silence.
Entre musique et mémoire
Avec des titres comme Parce qu’on vient de loin ou Seul au monde, Corneille a déjà livré des fragments de cette douleur. Mais aujourd’hui, il met des mots sur ce que les chansons ne pouvaient dire entièrement.
Son témoignage, à la croisée de l’art, de la politique et de l’intime, résonne comme un appel au dialogue, à la vérité et à la réconciliation, dans un monde où les cicatrices du passé continuent de saigner.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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