Dans un verdict historique rendu ce mardi, la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo a condamné l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo à 10 ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics dans le dossier du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo. Outre cette peine, Matata Ponyo est frappé d’une interdiction de cinq ans, après l’exécution de sa peine principale, d’exercer son droit de vote et son éligibilité. La Cour a également ordonné la confiscation des biens et de ses coaccusés, proportionnellement à la somme détournée, et a exclu toute possibilité de libération conditionnelle ou de réhabilitation pour l’ancien dirigeant. Ses coaccusés, Déogratias Mutombo Mwana Nyembo et Christo Grobler, écopent respectivement de 5 ans de travaux forcés.
Un détournement massif confirmé
Après un examen approfondi du dossier, les juges constitutionnels ont établi que sur les 279 millions de dollars décaissés par le Trésor public pour ce projet phare, seulement 34 millions avaient été effectivement consacrés aux activités du parc. « Tous les éléments constitutifs de l’infraction de détournement de fonds publics sont réunis », a déclaré la Cour dans son arrêt, précisant que les prévenus étaient impliqués dans le détournement de 156 millions de dollars.
Rejet des arguments de la défense
La Cour a catégoriquement rejeté l’argument d’immunité parlementaire avancé par la défense de Matata Ponyo, actuellement député national. « L’immunité protège la fonction et non la personne. Matata Ponyo est devenu député alors que les poursuites étaient déjà engagées », a souligné le président de la Cour constitutionnelle. Toutes les exceptions soulevées par les avocats de l’ancien chef du gouvernement ont été déclarées irrecevables.
Un long processus judiciaire
Ce verdict met fin à une procédure judiciaire entamée il y a 21 ans, marquée par plusieurs reports, dont le dernier remontait au 14 mai en raison de la complexité du dossier et du volume important des pièces à analyser. Initialement, les prévenus étaient accusés d’avoir détourné 89 millions de dollars, mais l’enquête approfondie a révélé l’ampleur réelle des malversations.
Réactions et suites
Le procureur général près la Cour constitutionnelle s’est félicité de cette décision qui « marque une étape importante dans la lutte contre l’impunité des hauts responsables ». Les avocats de la défense ont immédiatement annoncé leur intention de former un pourvoi en cassation.
Ce jugement intervient dans un contexte politique tendu, alors que Matata Ponyo, figure importante de l’opposition, avait dénoncé à plusieurs reprises une « justice instrumentalisée ». Les observateurs s’attendent à ce que cette condamnation ait des répercussions majeures sur le paysage politique congolais à l’approche des échéances électorales de 2027.
Bukanga-Lonzo : un projet devenu symbole
Le parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, présenté en 2014 comme un fleuron du développement agricole congolais, était censé révolutionner la production alimentaire du pays. Ce verdict confirme qu’il est finalement devenu le symbole des dérives de la gestion publique sous l’ère Kabila, avec des détournements massifs ayant privé la population des retombées économiques promises.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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