Dans un rebondissement inattendu, l’ancien gouverneur du Kasaï Oriental, Ngoy Kasanji, a finalement repris possession de sa villa située sur l’avenue Roi Baudouin à Gombe, mettant fin à quatre années de bataille judiciaire acharnée contre Gabriel Mokia. Cette décision surprenante intervient malgré une série de jugements antérieurs ayant systématiquement donné raison à Mokia, le propriétaire légal depuis 1996.

Le dossier, particulièrement complexe, trouve ses origines dans une vente publique organisée par le tribunal en 1996, au cours de laquelle Gabriel Mokia avait acquis légalement la propriété. Pourtant, en 2013, Ngoy Kasanji s’était installé dans les lieux alors même que le litige était en cours. Malgré plusieurs décisions de justice confirmant les droits de Mokia, dont une ordonnance d’expulsion prononcée par la Cour suprême en 2018, Kasanji était parvenu à maintenir son occupation jusqu’en août 2020, date à laquelle les forces de l’ordre l’avaient finalement expulsé.
Ce revirement judiciaire récent suscite de vives interrogations au sein des milieux juridiques congolais. Plusieurs sources proches du dossier évoquent des manœuvres douteuses ayant influencé le processus judiciaire, mettant en lumière les dysfonctionnements chroniques qui minent l’appareil judiciaire congolais. La décision de la Cour de cassation, intervenue dans un contexte de tensions entre les magistrats et le ministre de la Justice Constant Mutamba, ajoute une dimension politique à cette affaire déjà complexe.
L’absence de réaction du chef de l’État face à ce qui apparaît comme une parodie de justice soulève des questions sur son engagement réel à réformer le système judiciaire. Cette affaire intervient d’ailleurs alors que le ministre Mutamba, connu pour ses tentatives de réforme ambitieuses, a récemment été écarté de ses fonctions, victime selon certains observateurs des réseaux d’influence qui sévissent au sein de l’appareil judiciaire.
Le Conseil supérieur de la magistrature, censé garantir l’indépendance et l’intégrité du système judiciaire, reste étrangement silencieux face à ces dérives, perpétuant ainsi une culture d’impunité qui mine la crédibilité des institutions congolaises.
Gabriel Mokia, légitime propriétaire selon toutes les décisions de justice antérieures, n’a pas encore réagi officiellement à ce nouveau développement. Son silence contraste avec les déclarations triomphales de Ngoy Kasanji, qui n’a pas manqué de remercier « la justice et le chef de l’État » pour cette issue inespérée.
Cette affaire emblématique met en lumière les profondes lacunes du système foncier congolais et les défaillances chroniques de son appareil judiciaire. Elle illustre comment, en RDC, les rapports de force et les influences extrajudiciaires peuvent prévaloir sur le droit et la justice, même dans des dossiers apparemment clairs et tranchés depuis des années.
Alors que le pays prétend à un État de droit, cette décision controversée vient rappeler cruellement le long chemin qui reste à parcourir pour réformer en profondeur une justice congolaise que beaucoup jugent moribonde. L’affaire Kasanji-Mokia pourrait bien devenir le symbole des réformes urgentes que nécessite le système judiciaire congolais, à moins qu’elle ne reste qu’un exemple supplémentaire de l’impunité qui y règne.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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