Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a rompu le silence jeudi 10 juillet lors d’une réunion du Parti africain pour les libertés du peuple (Pastef), lançant une charge virulente contre ses adversaires politiques… et, pour la première fois, contre le président Bassirou Diomaye Faye lui-même.
« Problème d’autorité » : Sonko vise directement Diomaye Faye
Dans un discours au ton inhabituellement agressif, Sonko a dénoncé un « problème d’autorité », voire une « absence d’autorité » au sommet de l’État. Des mots perçus comme une attaque directe contre le président, accusé de ne pas le soutenir face aux critiques médiatiques et politiques.
« On ne peut tolérer qu’un homme, père de famille et chef d’institution, soit traîné quotidiennement dans la boue sous couvert de liberté d’expression », a-t-il lancé, exigeant que le président « s’y oppose fermement ». Plus surprenant encore, il a interpellé Diomaye Faye : « Qu’il prenne ses responsabilités, sinon qu’il me laisse faire ».
Un tandem en crise ?
Cette sortie publique, rare dans l’histoire politique sénégalaise où le Premier ministre est traditionnellement soumis à l’autorité présidentielle, a immédiatement fait l’effet d’une bombe. Le journal L’Enquête titre sur un « divorce en live », tandis que les analystes évoquent des « divergences majeures ».
Pour le politologue Moussa Diaw, cette crise était prévisible : « Tout se passe comme si le chef du gouvernement était le mentor du chef de l’État. Or, constitutionnellement, c’est l’inverse. » En effet, c’est Sonko qui, empêché par ses démêlés judiciaires, avait propulsé Diomaye Faye à la présidentielle. Une dynamique qui complique aujourd’hui leur relation.
Un risque pour la stabilité institutionnelle ?
Certains experts s’inquiètent des conséquences de cette crise. Demba Gueye, enseignant en sciences politiques, met en garde : « Ce discours est dangereux. Il fragilise l’institution présidentielle dans un régime où le chef de l’État est censé incarner l’autorité suprême. »
Du côté de la présidence, on minimise l’incident, évoquant une simple « frustration » de Sonko. Mais l’opposition, elle, presse Diomaye Faye de réagir : « Va-t-il démettre son Premier ministre pour affirmer son autorité ? », s’interroge un cadre de l’ex-PDS.
Et maintenant ?
Alors que Sonko affirme ne « pas vouloir démissionner », la balle est dans le camp du président. Ce dernier devra trancher : apaiser les tensions ou activer l’article 55 de la Constitution, qui lui permet de révoquer son chef de gouvernement.
Une chose est sûre : cette crise ouverte marque un tournant dans le mandat de Diomaye Faye, dont la légitimité est désormais publiquement contestée… par son propre bras droit.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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