L’architecte américano-canadien Frank Gehry, l’un des rares de sa profession à s’être hissé au rang de superstar à travers la planète, est mort vendredi 5 décembre 2025 à l’âge de 96 ans, a fait savoir à l’AFP son bureau. À l’origine de bâtiments emblématiques tels que le musée Guggenheim de Bilbao en Espagne ou le Walt Disney Concert Hall de Los Angeles, Frank Gehry est décédé « ce matin dans sa maison de Santa Monica à l’issue d’une courte maladie respiratoire », a écrit son bureau.
Frank Owen Goldberg, de son vrai nom, naît à Toronto, au Canada, le 28 février 1929 dans une famille d’origine juive, qui déménage aux États-Unis à la fin des années 1940.
Bien avant qu’il n’ait son propre personnage dans un épisode de la série « Les Simpson », il se lance à Los Angeles dans des études d’architecture à l’Université de Californie du Sud.
Il obtient son diplôme en 1954 et change vers la même époque son nom en « Gehry » pour se protéger de l’antisémitisme. Par la suite, il s’enrôle dans l’armée américaine, tout en étudiant l’urbanisme à la prestigieuse université d’Harvard.
Modélisation par ordinateur
Sa carrière commence notamment dans les bureaux de l’architecte Victor Gruen, l’inventeur des galeries commerciales à Los Angeles. Puis elle se poursuit par un séjour à Paris pour travailler chez André Remondet. De retour en Californie, il ouvre au début des années 1960 son propre cabinet.
Les années 1970 et 1980 marquent pour lui le début d’une longue série de réalisations architecturales audacieuses et innovantes. Très proche de l’avant-garde californienne, il invente de nouveaux principes d’écriture architecturale et explore les techniques de modélisation par ordinateur qui vont occuper une grande place dans son travail.
L’œuvre la plus célèbre de cette époque est sans doute sa propre maison à Santa Monica (Californie) construite en 1978. Conçue comme une enveloppe autour d’un bungalow hollandais des années 1920, laissé visible, elle alterne cubes de verre inclinés et parois en tôle ondulée.
L’architecte revendique l’utilisation de matériaux bruts et peu conventionnels, comme les mailles métalliques et le contreplaqué, dans une sorte de patchwork architectural. Frank Gehry et sa femme Berta ont habité la résidence, devenue un classique de l’architecture contemporaine, pendant près de quarante ans, avant d’en construire une nouvelle en 2019.

Guggenheim, « le plus important édifice de notre temps »
En 1989, il reçoit la plus haute distinction architecturale, le prix Pritzker. Trois ans avant la fin du siècle, le révolutionnaire musée Guggenheim Bilbao est inauguré en Espagne, lui apportant une consécration mondiale.
L’œuvre à la forme ondulée telle un poisson, signature de l’architecte, est faite de roche calcaire, de verre et de courbes en titane qui reflètent la lumière et l’avant-gardisme de Gehry. Pour son confrère américain Philip Johnson, il s’agit du « plus important édifice de notre temps ».
Assemblage de formes hétéroclites construit en calcaire, verre et titane au bord de la rivière Nervion, il a nécessité pour sa conception un logiciel de l’industrie aérospatiale et des alpinistes pour installer les quelque 33 000 feuilles de titane ultra-léger de la façade.

Ce monument insufflera un vent de renouveau dans la ville espagnole en crise, attirant les touristes du monde entier. Si bien que l’expression « effet Bilbao » désigne maintenant les œuvres architecturales qui contribuent à la revitalisation urbaine.
S’enchaînent ensuite des projets toujours plus spectaculaires et audacieux pour Gehry : le Walt Disney Concert Hall à Los Angeles (2003), le gratte-ciel 8 Spruce Street à New York (2011), la Fondation Louis Vuitton à Paris (2014). En 2018, il termine la construction des nouveaux quartiers généraux de Facebook dans la Silicon Valley.
Des œuvres complexes
Les conceptions de Frank Gehry sont d’une complexité sans précédent, rendues possibles par une utilisation massive du calcul informatique.
Longtemps, les formes arrondies, incurvées, les ellipses et les cercles ont été taxés d’hérésie en architecture, accusés de briser l’harmonie, d’augmenter les coûts de construction, de poser des problèmes sans fin aux ingénieurs.
Frank Gehry utilise la flexibilité de la simulation numérique, jusqu’à remettre en cause les repères classiques d’un édifice comme la façade ou la couverture.
Il atteint sans doute les limites de sa démarche avec la clinique Lou Ruvo (2010) de Cleveland, aux États-Unis, où façades et fenêtres semblent s’effondrer en de multiples circonvolutions.
Un projet qui ne manque pas d’humour – très présent dans son œuvre – pour une clinique spécialisée dans les maladies neurovégétatives.







