L’annonce, mardi, par l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) d’un « retrait unilatéral » de ses forces de la ville stratégique d’Uvira, dans le Sud-Kivu, n’a pas apaisé les tensions. Au contraire, elle a suscité une vive défiance et accru les craintes d’une escalade régionale.
Dans une réaction cinglante sur le réseau social X, le ministre burundais des Affaires étrangères, Édouard Bizimana, a dénoncé une manœuvre de désinformation. « C’est encore un pur mensonge destiné à induire en erreur l’opinion internationale, le président des États-Unis, le secrétaire d’État Marco Rubio et toutes les personnes éprises de paix », a-t-il écrit. Selon lui, « les forces rwandaises et l’AFC/M23 ne se sont pas retirées d’Uvira », cette annonce n’étant qu’une tentative de Kigali de « relâcher la pression internationale ».
Un retrait conditionnel au cœur des suspicions

L’AFC/M23 avait pourtant présenté ce retrait comme une « mesure de confiance » pour soutenir le processus de paix de Doha, affirmant agir « comme demandé par la médiation des États-Unis ». Cependant, le mouvement a assorti sa décision de conditions strictes : la démilitarisation d’Uvira, la protection des civils et le déploiement d’une force neutre. Il a aussi averti contre toute tentative de reprise militaire par les FARDC ou les milices Wazalendo.
Cette séquence intervient dans un contexte de pressions diplomatiques accrues sur le Rwanda, accusé par Kinshasa et plusieurs capitales occidentales de soutenir le groupe rebelle. Le vice-secrétaire d’État américain, Christopher Landau, avait qualifié l’offensive sur Uvira de « grave erreur », et le secrétaire d’État Marco Rubio d’évoqué une « violation claire » des récents accords de Washington entre la RDC et le Rwanda.
Le Tanganyika se barricade, craignant la contagion
Face à la dégradation sécuritaire, la province congolaise voisine du Tanganyika, présidée par le gouverneur Christian Kitingwa, a pris les devants. Réuni en Conseil provincial de sécurité, elle a décrété treize mesures d’urgence.
Parmi les plus significatives : la fermeture du trafic avec la province du Sud-Kivu, principalement sur le lac Tanganyika, pour contrôler strictement les mouvements. Les patrouilles des FARDC sont intensifiées, notamment le long des rives du lac. Un couvre-feu est instauré à partir de 22h, interdisant la circulation des motos et des personnes, ainsi que les rassemblements religieux nocturnes. Dans la capitale provinciale Kalemie, des check-points supplémentaires sont érigés et les véhicules aux vitres teintées sont prohibés.
« L’objectif est de prévenir toute infiltration de groupes armés et de rassurer la population », a indiqué le gouvernement provincial, appelant les citoyens à la vigilance et à la collaboration avec les forces de l’ordre.
Une crise bilatérale Rwanda-Burundi qui s’ajoute au feu congolais
Les tensions débordent largement du cadre congolais. Le Burundi avait, bien avant l’annonce du retrait, accusé le Rwanda d’avoir bombardé son territoire. Lors d’une session spéciale à l’ONU, l’ambassadeur burundais Zéphyrin Maniratanga a affirmé que des tirs en provenance du Rwanda avaient touché la commune de Tshibitoke le 4 décembre, faisant des blessés.
Le diplomate a lancé un avertissement sans équivoque : la retenue de son pays « a des limites », et Bujumbura se réserve le droit à la légitime défense en cas de nouvelles attaques, invoquant l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Cette escalade verbale entre voisins ajoute une couche de dangerosité explosive à une situation déjà critique.
L’ombre d’un processus de paix moribond
Cette nouvelle crise sécuritaire et diplomatique survient à peine quelques jours après la signature des accords de Washington, censés jeter les bases d’un cessez-le-feu durable entre la RDC et le Rwanda. La prise rapide d’Uvira par l’AFC/M23 et les accusations qui ont suivi ont jeté une lumière crue sur la fragilité de ces engagements.
Alors que la communauté internationale, notamment les États-Unis, tente de maintenir une médiation active, la défiance est totale sur le terrain. Les déclarations se heurtent à une réalité militaire et stratégique complexe, où chaque annonce est perçue comme une tactique dans un jeu plus large. Dans l’est de la RDC, la paix promise semble plus lointaine que jamais, tandis que les civils, pris en étau, subissent les conséquences d’une crise régionale aux multiples facettes.
Par Marius Bopenga
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