Le ministre d’État en charge de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, a officiellement remis sa démission au président de la République Félix Tshisekedi dans une lettre rendue publique ce mardi. Cette décision, communiquée également à la Première ministre Judith Suminwa et au président de l’Assemblée nationale, intervient dans un climat de fortes tensions politiques.
Dans sa missive, le ministre démissionnaire dresse un bilan exhaustif de son action tout en dévoilant des accusations gravissimes. « J’ai mis en œuvre des réformes courageuses dans un secteur judiciaire que vous-même, Monsieur le Président, aviez qualifié de malade », écrit-il en préambule, soulignant avoir œuvré pour la réhabilitation des droits des citoyens injustement lésés et la protection du patrimoine public contre les réseaux mafieux.
Parmi les réalisations phares de son mandat, Constant Mutamba cite la numérisation des juridictions commerciales, la redynamisation du Guichet Unique de Création d’Entreprise permettant désormais de créer une société en deux jours, ainsi que l’insaisissabilité des biens des entreprises publiques. Il rappelle également la création d’une commission spéciale chargée de veiller à la bonne exécution des décisions de justice.
Le ton se fait particulièrement grave lorsque l’ancien ministre évoque ce qu’il qualifie de « complot politique ourdi contre sa personne ». Dans des termes sans équivoque, il affirme : « Après avoir échappé à plusieurs tentatives d’empoisonnement et d’élimination physique, les réseaux mafieux, y compris ceux infiltrés au service de nos ennemis, ont réussi à m’humilier en raison de mon engagement ». Il va plus loin en établissant un lien direct avec la crise sécuritaire dans l’Est du pays : « Ce complot ne vise pas ma personne, mais cherche à désorganiser la riposte gouvernementale face à l’agression rwandaise ».
Face aux rumeurs de malversations financières qui circulaient à son encontre, notamment concernant le projet de construction de la prison centrale de Kisangani, l’ancien ministre se défend avec véhémence : « Je n’ai pris aucun dollar de l’État. Mon intégrité morale et ma fidélité aux valeurs républicaines restent intactes ».
Ce départ intervient à un moment critique pour le gouvernement Suminwa, alors que la RDC doit faire face à d’immenses défis sécuritaires et politiques. Les observateurs s’interrogent sur les répercussions de cette démission, d’autant que Constant Mutamba laisse entendre qu’il compte poursuivre son combat « pour une justice équitable et contre les agresseurs du pays » sous une autre forme.
Cette crainte d’accointances entre magistrat débout et magistrat assis anime beaucoup d’observateurs dans ce qui apparaît aujourd’hui comme un front entre le ministre d’Etat de la Justice en disgrâce, Constant Mutamba, et le corps de magistrats. Sa mise en accusation est considérée par certains comme un règlement des comptes des magistrats envers quelqu’un qui les a mis mal à l’aise.
La succession à la tête de ce ministère stratégique s’annonce délicate dans un contexte où les réformes judiciaires engagées sont plus que jamais nécessaires pour consolider l’État de droit. Cette crise ouverte au sein de l’appareil d’État pourrait bien marquer un tournant dans la vie politique congolaise.
Par Marc Etumba, correspondant à Kinshasa
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