Une mesure restrictive imposée par les autorités congolaises crée une crise humanitaire inédite pour les ressortissants de l’Est de la RDC. Depuis plusieurs jours, les pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) et les compagnies aériennes appliquent une directive exigeant que les voyageurs en provenance des provinces du Nord et Sud-Kivu présentent exclusivement un passeport valide, rejetant les documents habituellement reconnus comme les cartes CEPGL (Communauté Economique des Pays des Grands Lacs) et les Tenant-Lieu de Passeport.
Une situation dramatique pour les voyageurs bloqués
À l’aéroport international d’Addis-Abeba, en Éthiopie, des dizaines de Congolais en transit – majoritairement originaires de Goma et Bukavu – se retrouvent coincés, incapables de poursuivre leur voyage. Parmi eux, des étudiants, des hommes d’affaires et des familles entières, certains depuis plus de 48 heures, dorment dans les terminaux aéroportuaires sans assistance consulaire.
* »On ne nous demande même pas si notre document a été délivré par l’AFC/M23 ou par le gouvernement. Dès qu’on voit que nous venons de l’Est, on nous refuse l’embarquement »*, témoigne un voyageur bloqué, sous couvert d’anonymat.
Un passeport hors de portée pour la majorité
Le problème majeur réside dans l’accès limité aux passeports. Actuellement, les demandes ne peuvent être traitées qu’à Kinshasa, une procédure longue, coûteuse et quasi impossible pour les habitants des zones sous contrôle rebelle ou en situation de déplacement forcé.
« Comment voulez-vous que les déplacés de guerre, ceux qui vivent sous occupation ou dans des camps, aillent à Kinshasa pour un passeport ? C’est une mesure qui pénalise toute une population déjà vulnérable », dénonce une ONG locale.
Contradiction avec l’accord de Doha

Cette décision contredit directement l’esprit de la Déclaration de principes de Doha, signée le 19 juillet 2025, qui prévoyait explicitement l’amélioration des conditions de vie des Congolais, notamment en facilitant la libre circulation.
« Alors que l’accord parle de réconciliation et de normalisation, cette mesure isole encore plus les populations de l’Est et aggrave leur précarité », analyse un expert en résolution de conflits.
Kinshasa justifie des raisons sécuritaires
Les autorités congolaises invoquent la nécessité de lutter contre l’infiltration de combattants rebelles et de prévenir les fraudes documentaires. Cependant, l’absence de distinction entre les documents délivrés par l’administration légitime et ceux émis par les groupes armés suscite des critiques.
« Si le but est d’éviter les faux papiers, pourquoi ne pas mettre en place des vérifications plutôt que d’imposer une mesure aussi brutale ? », interroge un défenseur des droits humains.
Conséquences humanitaires et économiques
- Blocage des échanges transfrontaliers, vitaux pour l’économie locale
- Difficultés accrues pour les déplacés cherchant refuge ou assistance
- Risque de tensions communautaires face à cette stigmatisation régionale
Appels à une solution urgente
Plusieurs organisations, dont la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et des partenaires internationaux, demandent :
- La réouverture des centres d’établissement de passeports dans l’Est
- Une clarification des règles de voyage pour éviter les abus
- Une coordination avec l’EAC pour des mesures plus proportionnées
À suivre : La réaction officielle du gouvernement congolais et des médiateurs de l’accord de Doha face à cette crise qui mine la confiance dans le processus de paix.
Par Basengezi Ntomo, correspondant à Goma
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