Ce jeudi 4 décembre 2025, Washington devait être le théâtre d’une signature présentée comme historique : un accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, censé tourner la page de trente ans de violences dans l’Est congolais. Pourtant, une analyse approfondie du texte et des dynamiques en jeu révèle une réalité plus sombre : loin d’être un instrument de rupture, cet accord risque d’entériner diplomatiquement un statu quo meurtrier et de légitimer l’ingérence rwandaise.
Le Rwanda y obtient en effet un cadre lui permettant de justifier, au nom de la lutte contre les FDLR, une présence militaire directe ou indirecte sur le sol congolais. Cette milice, invoquée de manière récurrente par Kigali, opère précisément dans les zones du Nord et du Sud-Kivu contrôlées par son proxy, le M23. La RDC se voit ainsi imposer une mission impossible : neutraliser un groupe armé sur un territoire qu’elle ne contrôle plus. Un cercle vicieux parfait, où chaque accusation de Kinshasa se heurtera à l’exigence prévisible et infalsifiable de « sécurisation » préalable.
La stratégie de Kigali repose sur un double discours bien rodé. D’un côté, il présente le M23 – mouvement qu’il arme, finance et dirige – comme un problème purement congolais, une affaire de « revendications locales » à régler « entre Congolais ». De l’autre, il utilise la menace des FDLR, réelle mais instrumentalisée, comme prétexte à une ingérence permanente. Cette rhétorique offre au Rwanda un déni plausible tout en conservant le contrôle opérationnel sur le terrain.
L’enjeu sous-jacent, et peut-être le plus déterminant, reste économique. Par cet accord parrainé par les États-Unis, le Rwanda acquiert une forme de légitimité internationale pour l’exploitation et la commercialisation des minerais issus des zones de conflit congolaises. Le pillage systématique se mue ainsi, sur le papier, en activité « régulière ». Les circuits d’approvisionnement mondiaux en minerais stratégiques pourront dès lors s’approvisionner en contournant, voire en rendant délibérément obsolète, l’État congolais et ses institutions.
Cette configuration consacre un modèle où l’instabilité perpétuelle de l’Est congolais devient un facteur de croissance et de puissance régionale pour le Rwanda. La guerre n’est plus une anomalie à éradiquer, mais une condition géo-économique normalisée et diplomatiquement validée.
Face à ce piège potentiel, la position de la RDC, réaffirmée mardi par son ministre de la Communication Patrick Muyaya, semble pourtant claire : « La paix signifie le retrait des troupes rwandaises et la cessation de tout soutien aux groupes supplétifs. » Le président Félix Tshisekedi a porté ce message lors de son entrevue avec le médiateur américain, Donald Trump, en espérant obtenir des garanties fermes.
L’histoire jugera si la date du 4 décembre 2025 a marqué le début d’une paix durable ou, au contraire, l’acte de naissance d’une guerre institutionnalisée, où la souffrance congolaise devient une variable d’ajustement compatible avec les intérêts de ceux qui en profitent. La RDC, en quête d’un cessez-le-feu, pourrait découvrir qu’elle a signé la normalisation de son propre dépeçage.
L’Accord de Washington, sous l’égide du président américain Donald Trump, doit être signé le jeudi 4 décembre 2025 par les présidents de la RDC, Félix Tshisekedi, et du Rwanda, Paul Kagame. Cet accord vise à pacifier l’Est de la RDC, une région marquée par des décennies de conflits armés.
Cet accord, qui s’appuie sur la Déclaration de principes signée le 25 avril 2025, comprend des dispositions sur :
- Le respect de l’intégrité territoriale
Les deux pays s’engagent à respecter mutuellement leur intégrité territoriale et à s’abstenir de tout acte d’agression ou de soutien à des groupes armés. Ils conviennent de cesser toute hostilité, y compris en s’abstenant de soutenir ou tolérer des incursions ou actes menaçant la paix, la souveraineté ou l’intégrité territoriale de l’autre.
- Le désengagement, le désarmement
D’un côté, la RDC s’engage à neutraliser complètement les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR). De l’autre, le Rwanda se doit de retirer ses militaires du territoire congolais.
- Un mécanisme conjoint de coordination sécuritaire
Les deux parties se conviennent de mettre en place un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité pour assurer la surveillance et la mise en œuvre de ces engagements.
- Le retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays
La RDC et le Rwanda faciliteront le retour volontaire et sécurisé des réfugiés. Ils devront également garantir l’acheminement de l’aide humanitaire aux populations vulnérables.
- Un cadre d’intégration économique régionale
Aux termes de cet accord, un cadre d’intégration économique régionale sera lancé dans les trois mois, visant à développer le commerce, les investissements et la transparence dans l’exploitation des ressources naturelles.
Par Pascal Kabeya
CONGO PUB Online





