La situation dans l’Est de la République démocratique du Congo vient de connaître un tournant stratégique majeur. Ce mercredi en milieu de journée, la ville d’Uvira, chef-lieu temporaire du Sud-Kivu, est passée sans combat sous le contrôle de la rébellion du M23, soutenue par l’armée rwandaise. En réaction, le Burundi, allié de Kinshasa, a annoncé la fermeture immédiate de sa frontière avec la RDC, craignant une contagion du conflit sur son territoire.
Une prise de ville sans résistance
La chute d’Uvira, pivot économique et administratif de la région, s’est produite avec une rapidité déconcertante. Alors que les autorités locales assuraient ce matin même une reprise timide des activités, des colonnes de rebelles sont entrées en ville vers 11h30 « sans rencontrer de résistance », selon de multiples témoins.
« Nous observons leurs mouvements depuis nos maisons, par peur », a confié un habitant du quartier Kiromoni à Radio Okapi. Des sources sécuritaires indiquent que les Forces armées de la RDC (FARDC) s’étaient déjà retirées la veille en direction des territoires de Fizi (Swima, Makobola, Baraka). Le M23 a lui-même confirmé dans l’après-midi le positionnement de ses troupes dans la cité.
Une réaction régionale immédiate : le Burundi se barricade
Face à cette avancée rapide des rebelles vers la frontière, le gouvernement burundais a pris une mesure radicale : la fermeture de sa frontière avec la RDC. Bujumbura, qui accueille déjà des milliers de déplacés congolais fuyant les récents combats, justifie cette décision par la nécessité de « se protéger contre toute tentative d’intrusion ».
Cette fermeture risque d’aggraver une crise humanitaire déjà catastrophique, en bloquant l’un des principaux axes de fuite pour les civils pris au piège des combats. Elle illustre également la crainte des pays voisins de voir le conflit déstabiliser toute la sous-région.
Kinshasa dénonce une « régionalisation du conflit » et une violation flagrante de l’accord de Washington
À Kinshasa, le gouvernement a exprimé sa « vive préoccupation » et accusé le Rwanda de violer délibérément l’Accord de paix signé à Washington le 4 décembre dernier. Lors d’une réunion de crise présidée mardi par la Première ministre Judith Suminwa, le ministre de la Communication Patrick Muyaya a fustigé les actions de Kigali.
« Le Rwanda viole impunément l’accord… Ce n’est plus simplement violer l’accord, mais c’est aller vers la régionalisation du conflit parce qu’il est évident que le Rwanda prend le Burundi aussi en cible », a-t-il déclaré. Il a directement interpellé le médiateur américain pour qu’il « pèse de tout son poids ».
Un revers cinglant pour la diplomatie internationale
La prise d’Uvira constitue un revers majeur pour les efforts diplomatiques en cours. Elle intervient moins de 24 heures après un appel conjoint des États-Unis et de l’Union européenne exigeant du M23 et du Rwanda de « cesser immédiatement » leur offensive. Elle rend également caducs dans les faits les pourparlers annoncés à Doha entre le gouvernement et la rébellion.
Perspectives immédiates
La chute d’Uvira ouvre plusieurs scenarii critiques :
- Une poursuite de l’offensive du M23 vers le sud (Fizi) ou une consolidation de sa prise.
- Une crise humanitaire d’une ampleur inédite avec des centaines de milliers de personnes coupées de l’aide et des voies de fuite.
- Une tension extrême à la frontière burundo-congolaise, avec un risque accru d’incidents.
- Une mise à l’épreuve sans précédent de la crédibilité des garants internationaux, sommés de réagir à une escalade qui rend tout accord de paix actuel obsolète.
La situation évolue heure par heure. La communauté internationale, qui célébrait il y a six jours un « miracle » diplomatique à Washington, fait face à son plus sévère échec. La paix, en RDC, s’éloigne à la vitesse de la marche d’une colonne rebelle.
Par Marc Kabido, correspondant à Uvira
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