Le général Horta N’Tam, qui était jusqu’ici chef d’état-major de l’armée de terre, a été investi, ce jeudi 27 novembre, président de la transition et du Haut commandement militaire pour diriger la Guinée-Bissau pendant un an, a annoncé l’armée au cours d’une conférence de presse à Bissau, indiquant par ailleurs avoir pris le contrôle total du pays la veille.
« Je viens d’être investi pour assurer la direction du Haut commandement », a déclaré le général Horta N’Tam, après avoir prêté serment lors d’une cérémonie au siège de l’état-major, où la sécurité a été fortement renforcée. C’est un proche du président sortant, formé lorsque Umaro Cissoko Embalo est entré dans l’armée, et il a été promu au grade de major général sous son mandat.
La cérémonie, sobre, sans hymne national, devant les cadres de l’armée, s’est déroulée dans une salle de conférence au sein de l’état-major, le nouveau cœur du pouvoir qui est situé près du port de la capitale Bissau. Et les trois corps de l’armée – l’armée de terre, l’armée de l’air et la Marine nationale – ont donc proclamé « l’installation officielle » du général Horta N’Tam pour une transition politique qui doit durer douze mois.
Réouverture des frontières
Umaro Cissoko Embalo est toujours détenu au siège de l’état-major et il n’a pas fait de nouvelles déclarations. Selon plusieurs sources, les chefs d’État de la région seraient en train de lui chercher un point de chute. L’opposant historique, le chef du puissant PAIGC, Domingos Simoes Pereira, a également été arrêté, mercredi 26 novembre, et il est détenu dans un commissariat du centre-ville. Fernando Diaz de Costa, le principal challenger à cette présidentielle, n’a pas été arrêté. Il a pu être joint par RFI et il annonce se cacher et être en sécurité, explique notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff. Cinq magistrats ont aussi été mis aux arrêts et empêchés d’être sur le terrain pour surveiller le décompte des bulletins de vote mercredi. Huit autres personnalités de l’opposition ont été arrêtés, selon la Ligue des droits de l’homme en Guinée-Bissau.
Dans une allocution d’une dizaine de minutes, le militaire a justifié la prise du pouvoir, évoqué un « effort commun » et indiqué que l’armée a pris ses responsabilités face à une menace de déstabilisation du pays menée par des narcotrafiquants. Les militaires viennent également d’annoncer la réouverture des frontières.
La capitale Bissau totalement déserte
Bissau est à l’arrêt total. Tout comme mercredi, les commerces sont fermés, les rues sont désertes et la circulation des voitures est interdite. Une forte présence militaire est à noter, des 4×4 aux vitres teintées circulent au pas dans la capitale. Le couvre-feu est pourtant levé depuis 06h00 ce jeudi matin et, en théorie, les habitants ont le droit de sortir. Les informations circulent très peu, puisque les médias sont toujours à l’arrêt et leurs programmes suspendus, mis à part la télévision et la radio nationales qui continuent à émettre des informations sur le groupe des militaires qui a pris le contrôle du pouvoir, précise notre envoyée spéciale à Bissau, Eva Massy.
Plusieurs personnes ont fait part de leurs difficultés à accéder au réseau internet et à passer des appels. Ce jeudi matin, sur ses réseaux sociaux, le PAIGC a appelé ses partisans à se rassembler devant le ministère de l’Intérieur pour exiger la libération de Domingos Simoes Pereira. Mais pour l’heure, impossible de vérifier si les partisans ont répondu présent. Cependant, étant donné le climat de tension en ville, il est possible que le rassemblement n’ait pas eu lieu. Les principaux axes aux abords du palais présidentiel sont très surveillés et des militaires patrouillent également les zones périphériques de la capitale.
Réactions internationales
En fin de matinée, le président de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Cédéao a fait une déclaration, condamnant « sans équivoque » « un coup d’État qui a illégalement interrompu le processus électoral à un stade décisif » « et qui représente une menace directe pour la stabilité de la région ». La Cédéao « réaffirme la tolérance zéro » contre le désordre anticonstitutionnel.
L’instance ouest-africaine exprime aussi sa « profonde préoccupation » quant au sort réservé au président déchu, ainsi qu’aux hauts fonctionnaires et au personnel électoral, tous arrêtés dans la foulée du putsch. L’organisation régionale « se tient prête à prendre toutes les mesures nécessaires » pour rétablir la bonne gouvernance.
Certains pays ont également réagi en leurs noms propres, comme le Ghana, qui « condamne fermement » le coup de force et « exprime sa profonde amertume face à cette tentative de renverser la volonté du peuple », en référence aux résultats électoraux, dont la publication était prévue ce jeudi.
Hors des frontières africaines, les réactions tombent progressivement. La Russie se dit « préoccupée par la détérioration politique dans un pays traditionnellement ami ». Réaction similaire du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui rejoint le concert d’appels à la retenue. Un silence notable tout de même, celui du Sénégal, puissance régionale et frontalière à Bissau, qui n’a pas encore réagi au putsch chez son voisin.
RFI












